Ahmed Dahmani, le mystérieux complice

La ville turque d'Antalya, où Ahmed Dahmani a été arrêté le 16 novembre 2015

Voici la dernière pièce de la galerie de portraits et parcours consacrée aux protagonistes des attentats du 11 septembre 2015 dont l’implication a été considérée à l’occasion du procès qui s’est tenu de septembre 2021 à 2022. Comme Ahmed Dahmani n’y était pas présent, emprisonné qu’il se trouve actuellement en Turquie, et que les informations le concernant ne sont pas légion, je n’ai pas pu aller beaucoup plus loin que ce qui en a été dit dans les médias ces dernières années, c’est-à-dire presque rien. Sa collaboration à la cellule du 13 novembre semble toutefois faire peu de doute et son profil est si semblable à la plupart de ceux que nous avons passés en revue tout au long de ces 17 chapitres ! Plutôt que de bombarder tardivement et inefficacement une Syrie que nous aurions dû soutenir dès 2011 contre un ennemi commun, peut-être eût-il fallu – bien évidemment avec l’accord de la Belgique – faire précocement le siège militaire de certaines banlieues de Bruxelles comme Molenbeek.

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Bilal Chatra, l’éclaireur du 13 novembre

Sur le papier, le plan adopté par la cellule chargée des opérations extérieures de l’État Islamique, consistant à infiltrer les opérationnels du 13 novembre dans le flux de centaines de milliers de migrants en train de se déverser de manière incontrôlable sur l’Europe à partir de l’été 2015, peut paraître simple, encore fallait-il s’assurer en amont d’un itinéraire fiable à emprunter en toute sécurité. C’est le rôle qui a été dévolu au jeune Bilal Chatra. Bilal Chatra n’était pas dans le box des accusés au procès des attentats du 13 novembre. Il a été jugé, en compagnie d’Ayoub el Khazzani, Redouane Debar, et Mohammed Bakkali, dans le cadre d’une autre procédure, pour son rôle dans l’attentat manqué du Thalys du 21 août 2015, et condamné à 27 ans de prison au terme de ce premier procès qui s’est tenu à la fin de l’année 2020. Le travail de repérage qu’il a accompli en cette occasion a néanmoins été essentiel dans le succès de l’opération du 13 novembre 2015, trois mois plus tard, raison pour laquelle nous l’intégrons à cette galerie de portraits. Il a été auditionné par visioconférence le 3 mai 2022 au procès des attentats du 13 novembre, se réfugiant, comme Mohamed Bakkali, derrière son droit au silence, se contentant d’un laconique « J’ai rien à dire, je garde le silence », mais a été beaucoup plus prolixe lors du procès du Thalys. L’essentiel des informations dont nous disposons le concernant nous viennent donc de ces six semaines de procès, synthétisées par l’Association française des victimes de terrorisme, qui les a mises en ligne sur la toile ( 1/ 2/ 3/ 4).

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Abdellah Chouaa et les dérives de la justice antiterroriste

Abdellah Chouaa, 40 ans, est parmi les quatorze accusés présents au procès des attentats du 13 novembre 2015, celui qui a passé le moins de temps derrière les barreaux en détention provisoire : cinq mois entre son arrestation, le 23 novembre 2015, à Molenbeek où il résidait, et sa libération sous contrôle judiciaire en avril 2016. Ami d’enfance de Brahim Abdeslam, c’est surtout pour un service qu’il aurait rendu à un autre membre de la bande, Mohamed Abrini, qu’il s’est retrouvé poursuivi dans le cadre de la procédure des attentats du 13 novembre, et qu’il encourt une peine de 20 ans de prison pour association de malfaiteurs terroristes. Il fait partie des trois accusés à comparaître libres au procès avec Hamza Attou et Ali Oulkadi. Même si elle aurait pu plus mal se terminer, son histoire est une excellente illustration des dérives de la justice antiterroriste, qui en prétendant montrer un visage impitoyable afin de dissuader les aspirants terroristes et rassurer la population, a inévitablement multiplié ces dernières années les condamnations disproportionnées et les erreurs judiciaires.

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Farid Kharkhach, un petit poisson piégé sans la nasse du 13 novembre

Afin d’être complet, il me faut intégrer à la série d’articles sur les protagonistes des attentats du 13 novembre trois acteurs mineurs qui forment une catégorie à eux tout seuls. Voici donc la pièce n°14 qui retrace le parcours de Farid Kharkhach qui a comparu au procès des attentats en 2021/2022 pour avoir vendu à l’un des terroristes des attentats de Bruxelles du 22 mars 2016 trois faux-papiers pour un bénéfice dérisoire. Le cas de Kharkhach est une excellente illustration du caractère impitoyable de l’accusation d’association de malfaiteurs terroristes, qui ne fait au départ des procédures aucune distinction entre les acteurs les plus impliqués et les complices les plus incertains. Au terme de la procédure notre faussaire sera certes libéré, et innocenté de toute complicité dans ces carnages, mais auparavant il aura passé cinq et demie en prison dans des conditions très difficiles. Il est bien plus sûr en République de participer avec enthousiasme à des massacres de Palestiniens dans les rangs de Tsahal…

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L’inversion accusatoire selon Rudy Reichstadt en 20 citations

L'inversion accusatoire est une sorte de jeu de miroir

Introduction

Me trouvant la cible d’une plainte en justice pour mon ouvrage consacré à L’anticonspirationnisme mis à nu à travers l’imposture Rudy Reichstadt, publié à l’automne 2021, diffamé dans son opuscule Au cœur du complot publié aux éditions Grasset en mars 2023, enfin l’objet d’une de ses calomnieuses « notices d’information » depuis novembre 2023, sur son site Conspiracy Watch, j’éprouve le besoin de mettre certaines idées au clair et remettre à l’endroit certains faits et vérités. Après avoir parcouru cette notice de délation, sujet du précédent article, j’ai deviné utile de relire son premier ouvrage anticomplotiste publié chez le même éditeur en septembre 2019, L’opium des imbéciles. Encensé par la classe médiatique unanime lors de sa parution, je l’avais qualifié dans mon livre de « synthèse de la littérature anticomplotiste dans tout ce qu’elle peut manifester de plus impersonnel et de plus caricatural », dont l’« inanité et [l]a perversité intellectuelle éclatent à chaque page. » En le reparcourant j’ai été de nouveau frappé par la prolifération de termes injurieux envers les « complotistes » (Cf article précédent), l’absence complète de démonstration, le refus de se confronter au détail des affaires les plus graves qu’il évoque, l’invocation à tout propos d’autorités littéraires, philosophiques, sociologiques, souvent hors sujet avec le thème de l’ouvrage mais donnant l’impression trompeuse d’une érudition vaste et exigeante. J’ai été surtout frappé par le recours extrêmement fréquent à un procédé que j’ai eu l’occasion – avec d’autres – de signaler à maintes reprises ces dernières années, portant le nom d’« inversion accusatoire ». Particulièrement ignoble, l’inversion accusatoire consiste à accuser son adversaire des maux et turpitudes dont on est soi-même le véhicule et acteur. En psychologie, il existe un mécanisme inconscient qui porte le nom de « projection », le cas de figure le plus banal consistant à dénoncer maladivement chez autrui ses propres défauts que l’on est incapable de reconnaître et assumer. La projection et l’inversion accusatoire sont cousines, mais dans l’inversion accusatoire il y a une nuance de taille. Quand vous reconnaissez le procédé employé publiquement, dans les médias et dans des ouvrages, par les mêmes individus, membres d’une même secte, pendant des années et des années, en toute impunité et avec un enthousiasme de plus en plus féroce, vous finissez par vous rendre à l’évidence qu’il s’agit non pas de la manifestation d’un trouble psychiatrique inconscient, mais d’une martingale consciemment appliquée, dans le cadre d’une entreprise de portée plus vaste, dont l’un des impératifs catégoriques est la démonisation d’adversaires aux yeux du grand public. La notice que m’a consacré en novembre 2023 Conspiracy Watch – et en fait sans doute la plupart des 600 notices publiées à ce jour sur ce site – en est une excellente illustration. Comme je l’ai mis en lumière dans l’article précédent, l’objectif d’une telle notice – financée notamment grâce à la subvention du fonds Marianne mis en place en réponse à l’assassinat de Samuel Paty – n’est pas de présenter au grand public un portrait résumant honnêtement mon travail et mon parcours, mais de picorer dans l’âpre chemin parcouru depuis près de 15 ans, qui plus est en les déformant, les seuls éléments susceptibles de décrédibiliser et inspirer l’horreur, en passant sous silence, minorant ou déformant tout ce qui pourrait donner au contraire une bonne image, ou plus banalement une image normale.

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Ma « notice d’information » Conspiracy Watch est une fraude

Introduction

Nota Bene : pour ce que j’ai pu en juger, la présente démystification peut être dupliquée à la majorité des 600 « notices d’informations » de Conspiracy Watch

Avec un peu de retard, je me rends compte que Rudy Reichstadt s’est enfin décidé, en novembre 2023, à me consacrer sur son site Conspiracy Watch une de ses fameuses « notices d’information », dont l’objet est d’exposer au grand public les méfaits et la dangerosité de ceux qu’il appelle les « complotistes » ou les « conspirationnistes ». Il en a ainsi sommairement expliqué le principe lors de son audition devant la commission d’enquête sénatoriale chargée de faire la lumière sur le scandale du fonds Marianne, dans lequel il s’est trouvé mouillé pour en avoir été arrosé en avril 2021 à hauteur de 60 000 euros, cette subvention du Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation (CIPDR) étant depuis renouvelée tous les ans : « L’objectif est que lorsque des gens recherchent des termes liés à la culture complotiste tels que « nouvel ordre mondial », « great reset » ou « État profond », ainsi que des noms de médias complotistes notoires, ils trouvent d’abord des contenus produits par notre rédaction. Dans cette optique, nous produisons des notices d’information très documentées, sourcées et informées, qui sont régulièrement mises à jour et que nous poussons via des coupons publicitaires mis à notre disposition – notre association étant à but non lucratif –, dans le cadre du programme Google Ad Grants. » Il n’a pas précisé que la plupart des notices produites ne concernaient pas seulement des « termes liés à la culture complotiste », mais pour l’essentiel des individus comme moi, qu’il exposait ainsi à la vindicte dans le cadre d’articles biographiques tout sauf « très documentés, sourcés et informés », mais indéniablement empreints de malveillance. On a au moins pu comprendre, même si ce n’était pas clairement expliqué, qu’il avait employé l’argent du fonds Marianne non pas à un projet destiné aux 12-25 ans1, visant à lutter contre la propagande djihadiste en ligne sur la toile, en réponse à l’assassinat du professeur d’histoire-géographie Samuel Paty le 20 octobre 2020, mais à maximiser l’efficacité de la campagne de délation à laquelle il participe depuis des années contre ceux qu’il considère comme des ennemis politiques et idéologiques, et à l’égard desquels il considère que tous les procédés rhétoriques les plus pervers – dans les limites apparentes de la loi – sont permis.

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Jawad Bendaoud, l’inénarrable « logeur » du 13 novembre

l'immeuble de la rue du Corbillon loué par Jawad Bendaoud aux deux rescapés des tueries des terrasses (source: photo EPA)

Cette galerie de portraits serait incomplète si l’on omettait celui de Jawad Bendaoud, le logeur de Chakib Akrouh et Abdelhamid Abaaoud, dans la planque du numéro 8 de la rue du Corbillon, à Saint-Denis, où les deux hommes ont été assiégés et occis par le RAID le matin du 18 novembre. Jawad Bendaoud a en effet déjà été jugé en janvier 2018, dans le cadre d’une procédure disjointe de celle des attentats du 13 novembre, pour ce service rendu aux deux terroristes en fuite.

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Laachraoui et Belkaid : les coordinateurs du 13 novembre

Naajim Lacchraoui et Mohamed Belkaid sont les coordinateurs présumés des attentats du 13 novembre

Décrite par maints spécialistes de la chose comme une opération de type militaire appliquant des règles de fonctionnement de type militaire, l’attaque terroriste du 13 novembre, qui articulait trois équipes distinctes, était coordonnée à distance par un ou deux opérationnels extérieurs à l’action proprement dite – depuis Bruxelles. C’est ainsi qu’à Najim Laachraoui et Mohamed Belkaid, véhiculés ensemble par Salah Abdeslam depuis la Hongrie le 9 septembre 2015, a échu le rôle de coordinateurs des attentats. Pour des raisons différentes, les deux hommes ne sont plus de ce monde pour apporter plus de lumières au public sur l’ampleur de leur rôle.

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Attou, Amri et Oulkadi, les chauffeurs de Salah Abdeslam

Sont réunis dans ce chapitre le profil, le parcours et le rôle des trois hommes qui ont aidé Salah Abdeslam a fuir de Paris vers Bruxelles dans la matinée du 14 novembre pour le déposer dans une planque au 86 de la rue Henri Bergé à Schaerbeek. Hamza Attou et Mohamed Amri ont pris la route pour la France en pleine nuit pour accéder à l’instante demande de leur ami qui a prétexté une panne, pour ne leur avouer la réalité de sa situation qu’une fois monté dans la voiture. Sidérés et prisonniers d’un conflit de loyauté, ils n’ont pas dénoncé Salah Abdeslam lors des trois contrôles de police qu’ils ont dû subir avant de passer la frontière. Quant à Ali Oulkadi, il a pris en charge le dixième homme du commando à l’arrivée du trio à Bruxelles pour le conduire dans la planque précitée. Contrairement à Attou et Amri, Oulkadi a toujours juré ses grands dieux qu’il ignorait tout du guêpier dans lequel il s’était fourré, pensant seulement rendre un banal service.

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Fabien et Jean-Michel Clain, les voix des attentats du 13 novembre

le camp de Baghouz, dernière poche de l'EI réduite en mars 2019

NB : les informations disponibles sur Jean-Michel Clain sont plus parcellaires que celles concernant son frère Fabien, d’où le flou plus important du portrait du premier.

Nés respectivement en 1978 et 1980, Fabien et Jean-Michel Clain ont passé leur enfance avec leur mère et leurs deux sœurs dans la ville d’Alençon (Orne). En 1991, ils s’envolent pour quatre années à destination de l’île de la Réunion, dont leur famille est originaire, et où réside leur père Jocelyn qui a quitté le foyer quand Fabien avait trois ans, et qu’ils n’ont donc pratiquement pas connu. De retour à Alençon, Fabien intègre le lycée professionnel Mezen jusqu’en 19971. A partir de cette époque, toute la famille va, membre après membre, se tourner vers l’Islam, et pas n’importe quel Islam, l’Islam salafiste. Leur sœur aînée Anne-Diana se marie en 1998 avec Mohamed Amri, une figure de cette mouvance résidant dans leur quartier. Les deux frères, convertis dans la foulée, se marient religieusement, Fabien à Mylène Foucre, Jean-Michel à Dorothée Maquerre, dont ils auront quatre et huit enfants. Lors du procès des attentats, l’enquêtrice de la DGSI auditionnée le 14 décembre 2021 avancera la thèse d’un effet de groupe et d’une contagion familiale : « Ce qui est intéressant à comprendre, c’est que cette famille vit en clan très fermé selon les règles très strictes de la charia ».

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