Le scandale du centre de Pontourny : annexe du livre sur le fonds Marianne (3/3)

Le château de Pontourny, dans la commune de Beaumont-en-Véron (Xavier Sutter - agence AgoraStore)

Ils nous ont menti et ils nous ont abandonnés. On nous a menti du début à la fin. Je ne savais pas vraiment ce qu’ils pensaient, où ils voulaient aller et je crois qu’ils ne le savaient pas eux-mêmes et qu’ils avançaient à vue. Matignon et le GIP « insertion/citoyenneté » ne nous ont pas dit la vérité. Si on m’en disait une partie seulement je n’avais pas le droit de la dire aux autres, ni aux chefs de service, ni aux éducateurs, ni aux jeunes. Je devais mentir en permanence, je devais tricher tout le temps sur ce qui se passait. Je devais dire que tout était rose alors que tout ne l’était pas.

Olivier Chasson, ancien directeur du centre de Pontourny, La lumière sur le centre de Pontourny, 2022, p.93

Un projet de Manuel Valls dans le cadre de la course à la présidentielle de 2017

C’était « son » idée, une émanation de « sa » volonté… C’est le 13 septembre 2016 que le premier Centre de Prévention d’Insertion et de Citoyenneté (CPIC), projeté par le Premier ministre Manuel Valls est lancé en grande pompe dans son lieu d’implantation, la paisible commune rurale de Beaumont-en-Véron, dans le département d’Indre-et-Loire. Les locaux du premier CPIC sont un magnifique château répondant au nom de Pontourny, qui est aussi celui de la famille qui le fit construire au XVIIIème siècle, pour le léguer à l’État en 1902, avec comme condition que « le domaine doit avoir pour mission une œuvre charitable chrétienne avec obligation du culte catholique, un office par semaine ». Alors que jusqu’en juin 2016, il servait de Centre éducatif et de formation professionnelle pour les mineurs isolés étrangers, il est choisi pour constituer la première structure du genre en France dont l’objet est la déradicalisation et la réinsertion de jeunes au bord de basculer du côté obscur de la force djihadiste. Au bord de basculer, et pas ayant basculé, la nuance est importante : le public cible est à peu près le même que celui de Dounia Bouzar et Sonia Imloul. Les jeunes de 18 à 30 ans pouvant postuler sur la base du volontariat à une place dans ce magnifique lieu de villégiature, avec son vaste parc planté d’arbres centenaires, devaient obligatoirement ne pas avoir de lourd antécédent judiciaire, ne pas être fichés S, ne pas présenter de trouble psychiatrique, et ne pas être allés faire le coup de feu dans les zones syro-irakiennes.



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L’affaire Sonia Imloul : annexe (2/3) au livre sur le fonds Marianne

Toutes ces personnalités politiques et administratives dont la responsabilité est plus ou moins engagée selon leur degré d’implication dans le dispositif conduisent à nous interroger sur le professionnalisme des pouvoirs publics.

Julien Revial, Cellule de déradicalisation

L’histoire de l’escroquerie à la déradicalisation de Sonia Imloul est connue dans son détail grâce à la publication en 2016, aux éditions Michalon, par Julien Revial, de Cellule de déradicalisation, chronique d’une désillusion.

A la fin du mois d’avril 2014, Julien Revial, alors étudiant, répond, à une annonce d’un certain « Elie » qui recherche une personne « s’intéressant à l’actualité et capable de rédiger des articles de presse ». Il s’agit en fait de Sonia Imloul, une responsable associative d’une quarantaine d’années qui cherche à lancer une structure de déradicalisation. Connaisseuse du milieu associatif, pourvue d’une conséquente expérience dans le domaine, introduite dans certains milieux décisionnels locaux, elle a besoin toutefois de l’assistance d’une personne disposant d’un bon niveau de français et capable de s’occuper de la partie rédactionnelle. Lors de leur première rencontre, Sonia parvient à convaincre Julien, à qui elle tend une enveloppe de 200 euros conforme à la rémunération avancée. Le projet plaît à Julien qui en même temps a besoin d’argent pour financer ses études.




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195ème Rond Point 2.0 : 13 novembre : L’enquête continue… avec François Belliot

Emission enregistrée en direct le mardi 12 décembre 2023, entre la publication de la partie 5 et de la partie 6 de ma série sur les terroristes et complices des attentats du 13 novembre 2015. 195ème du Rond Point 2.0, émission animée par « Betty », rescapée du Bataclan et Gilet jaune. Sujet : les attentats du 13 novembre 2015 : approche géopolitique, reconstitution des événements, parcours des zones d’ombre, ordres de non intervention, persécution de policiers d’en haut et d’en bas, impunité et promotion des incapables et/ou facilitateurs de la tuerie, commission d’enquête parlementaire, procès, bibliographie…

La destruction de Bernard Petit, patron du 36 quai des Orfèvres

Alors qu’il n’existe aucun cas de haut fonctionnaire ayant eu à rendre des comptes pour l’anticipation et la gestion au mieux calamiteuse, au pire coupable, d’événements sanglants comme le massacre de la rédaction de Charlie Hebdo du 7 janvier 2015 ou les attentats du 13 novembre 2015 – la même remarque pourrait être faite pour la si mal nommée « crise sanitaire » dans laquelle nous nous enfonçons inexorablement depuis près de vingt mois comme dans des sables mouvants – le cas de Bernard Petit, l’ancien patron du 36 quai des Orfèvres – la Police Judiciaire de la Préfecture de Police de Paris –, nous donne l’occasion de montrer par un exemple éclatant qu’au besoin, les sanctions les plus lourdes peuvent être prises contre un fonctionnaire très haut placé, pour un prétexte dont le caractère décisif est loin d’être évident. Ce qu’on appelle le deux poids/deux mesures pour évoquer le gouffre qui s’approfondit jour après jour entre les élites et les simples citoyens, les premières toujours « responsables mais pas coupables », les seconds toujours « pas responsables mais coupables », peut se constater également dans les hautes sphères du pouvoir, dès lors que l’on dérange le dispositif ou grippe son fonctionnement, et il ne s’agit pas d’une question de compétence ou d’incompétence. Le régime républicain privilégiera toujours l’incompétent servile au compétent indépendant, couvrant le premier en toutes circonstances, quelles que soient ses casseroles, et détruisant le second sans pitié, aussi irréprochables soient ses états de service – la question de l’intérêt supérieur des Français et de leur sécurité, est-il besoin de le préciser, n’entrant jamais en ligne de compte. Nous avons rapporté dans notre ouvrage Le massacre de Charlie Hebdo, l’enquête impossible, le cas du patron du RAID Jean-Michel Fauvergue, limogé en 2017 pour le plus captieux des prétextes en plein état d’urgence terroriste, voyons maintenant celui de Bernard Petit, qui en tant que patron de la PJ de Paris coordonnait les enquêtes les attentats de janvier 2015, brutalement placé en garde-à-vue le 3 février 2015, aussitôt dégradé, limogé, humilié, et toujours en attente de son procès six ans après les faits.

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7+2+x=15 : l’équation interdite des attentats du 13 novembre (2/2)

3 septembre 2021 : diffusion sur Arte des Ombres du Bataclan, documentaire réalisé par Francis Gillery

Francis Gillery est un réalisateur de films documentaires depuis 1996, travaillant d’habitude pour France télévision, qui s’est déjà intéressé à des sujets sensibles, comme l’assassinat de Jean de Broglie le 24 décembre 1976 (( L’assassinat de Jean de Broglie, une affaire d’État, diffusé sur France 3, 2016 )) , la mort suspecte de Pierre Bérégovoy le 1er mai 1993 (( La double mort de Pierre Bérégovoy, France 3, 3 mai 2008 (avec Hubert Marty-Vrayance). Production : Cie des Phares et Balises – France3 )), l’assassinat du procureur Borrel à Djibouti en octobre 1995 (( La Légende du juge Borel, diffusé sur Arte le 17 octobre 2010, 90 min. Production : Cie des Phares et Balises – France3 )), la mort spectaculaire de Lady Diana à Paris le 31 août 1997 (( Diana et les fantômes de l’Alma, France 3, 25 août 2007, 90 min. Production : Artline Films – France 3 – RTBF – SBS-TV Australia )).

Les ombres du Bataclan consiste pour l’essentiel en une synthèse artistique des réactions et commentaires de la plupart des principaux protagonistes de la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de 2015, mise en place en février 2016, à l’initiative du groupe Les Républicains et du député George Fenech, commission présidée par George Fenech et le député PS Sébastien Pietrasanta, qui a rendu ses conclusions en juillet 2016, dans un rapport en deux volumes dont la consultation peut s’avérer des plus instructives, comme nous avons pu nous en rendre compte dans la première partie, même si l’intéressant gît souvent dans ce qui n’est pas dit plutôt que dans ce qui est dit.

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Un ouvrage anticomplotiste (AC) sur le massacre de Charlie Hebdo

couverture d'Et soudain ils ne riaient plus, publié en janvier 2016 aux éditions les arènes

Dans le cadre de la parution de mon ouvrage Le massacre de Charlie Hebdo : l’enquête impossible, aux éditions Le Retour aux Sources, je publie une série d’articles et études touchant au sujet de près ou de loin, que je n’ai pas jugé indispensable d’intégrer à un ensemble qui, le temps passant et le travail avançant, a pris des proportions que je n’imaginais pas au départ (360 pages). Dans ce premier addendum, je décortique l’un des premiers ouvrages de référence sur le massacre de Charlie Hebdo publié en janvier 2016 : Et soudain ils ne riaient plus. Il faut en effet savoir, qu’en plus d’une couverture médiatique frauduleuse, à tout le moins partiale, et d’une omerta politique pendant des années, l’opération d’enfumage a été complétée par toute une série d’ouvrages, dont les vices et lacunes sont trop criants pour ne pas éveiller la suspicion. Eu égard à l’ambition affichée par les quatre auteurs de ce livre, il m’a semblé légitime de ramener ce travail à ses justes proportions : une œuvre de propagande plus qu’une œuvre de nature historique au sens professionnel du terme.

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Octobre 2020 – l’été indien terroriste en France

Résumé : Cette étude passe au crible les trois attentats perpétrés à l’automne 2020 en France : le 25 septembre 2020, l’attaque au hachoir de deux employés de l’agence Premières Lignes devant les anciens locaux de Charlie Hebdo ; le 16 octobre 2020, la décapitation de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie à Conflans-Sainte-Honorine ; le 29 octobre 2020, le triple assassinat de la basilique Notre-Dame de Nice. Elle remet en perspective ces trois affaires sanglantes avec toutes celles du même type perpétrées de 2015 à 2019, après la longue parenthèse covidienne globalement respectée par les terroristes partout en Europe. Elle pointe l’hystérie médiatique et politique disproportionnée et l’instrumentalisation par le régime français de ces trois agressions, dans le contexte de l’ouverture, après cinq ans d’attente, du procès des attentats de janvier 2015 et la republication par Charlie Hebdo des caricatures de Mahomet, médiatisation outrancière bien utile pour faire oublier la catastrophe économique en cours et à venir, catastrophe aggravée par les mesures anti Covid de plus en plus délirantes, liberticides et antidémocratiques. Elle souligne enfin la duplicité du pouvoir, qui d’un côté prétend lutter de toutes ses forces contre la menace terroriste, et de l’autre laisse toutes les portes du pays grandes ouvertes aux aspirants jihadistes, en soutenant de fait ces derniers à l’extérieur, qu’il s’agisse d’Al Qaida en Syrie, ou d’Al Qaida au Yémen.

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L’activité de Daech en France (base de données)

Introduction

Ceci est une base de données concernant les meurtres et exactions attribuables à des « combattants de l’EI (alias Daech) » en France entre le 25 mai 2013, date d’une tentative de meurtre au couteau à la Défense, et le 3 octobre 2019, date de l’assassinat de quatre fonctionnaires de police à la préfecture de police de Paris. En tout une trentaine affaires sont passées en revue.

Elles sont réparties, grosso modo, dans la période correspondant à l’expansion foudroyante de l’organisation EI en Irak et en Syrie à partir de juin 2014, jusqu’à son éradication officielle fin mars 2019.

Cette liste comprend à la fois les nombreuses affaires attribuées, à tort ou à raison, à des « loups solitaires » prétendument pilotés par Daech, et celles plus rares impliquant de nombreux participants, et une logistique incomparable, au premier chef la tuerie de Charlie Hebdo du 9 janvier 2015 et les attentats du 13 novembre 2015. Disons-le d’emblée, si ces deux énormes affaires paraissent s’inscrire dans un continuum, elles représentent des singularités sui generis.

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La bibliothèque d’Amedy Coulibaly

Amedy Coulibaly et ses quatre romans

Introduction

Le présent article, comme celui consacré à Lassana Bathily, le faux héros de l’Hyper Cacher, est un peu le fruit du hasard. On défriche dans une direction, et soudain on tombe sur un belvédère inattendu – en l’occurrence des plus surréalistes – qui retient l’attention et fait naître le besoin de brosser un tableau aussi détaillé que possible de ce qui s’étend sous nos yeux. C’est Astrid de Larminat, journaliste au Figaro, qui la première, le 12 janvier 2015, dans un article intitulé « Pennac et Nothomb dans la bibliothèque de Coulibaly » a attiré l’attention sur ce qu’on pourrait appeler la « bibliothèque d’Amedy Coulibaly », du nom de l’assassin de Clarissa Jean-Philippe à Montrouge le 8 janvier, et du preneur d’otages de l’Hyper Cacher le 10 janvier. Deux mois plus tard, le 20 mars, Alexis Kropotkine, sur son site le greffiernoir.com, a approfondi la réflexion dans un article intitulé : « Une créature de rêve de Patricia Highsmith dans la vidéo de revendication avec Pennac et Nothomb ». J’ai trouvé cette histoire fascinante et il m’a semblé qu’il restait des choses à en dire.

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L’instrumentalisation des lois antiterroristes (1/2): Dieudonné

Introduction : Lois antiterroristes votées depuis décembre 2012

Avant d’analyser ce qu’on pourrait appeler la double-affaire Dieudonné, un rappel historico-juridique est indispensable. Depuis le début des années 2010, précisément à partir de l’affaire Mohamed Merah – abattu par le RAID le 22 mars 2012 – la France s’est dotée de toute une volée de lois visant à prévenir le terrorisme et son apologie. En décembre 2012, est votée une loi qui permet de juger les ressortissants français ayant participé à des infractions terroristes à l’étranger. Cette loi prolonge jusqu’en décembre 2015 la disposition temporaire autorisant la surveillance dans un but préventif des données de connexion (internet, géolocalisation, factures détaillées de téléphone). En avril 2014, pour lutter contre le basculement de centaines d’individus dans l’engagement radical violent, le plus souvent en lien

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