Alors qu’il n’existe aucun cas de haut fonctionnaire ayant eu à rendre des comptes pour l’anticipation et la gestion au mieux calamiteuse, au pire coupable, d’événements sanglants comme le massacre de la rédaction de Charlie Hebdo du 7 janvier 2015 ou les attentats du 13 novembre 2015 – la même remarque pourrait être faite pour la si mal nommée « crise sanitaire » dans laquelle nous nous enfonçons inexorablement depuis près de vingt mois comme dans des sables mouvants – le cas de Bernard Petit, l’ancien patron du 36 quai des Orfèvres – la Police Judiciaire de la Préfecture de Police de Paris –, nous donne l’occasion de montrer par un exemple éclatant qu’au besoin, les sanctions les plus lourdes peuvent être prises contre un fonctionnaire très haut placé, pour un prétexte dont le caractère décisif est loin d’être évident. Ce qu’on appelle le deux poids/deux mesures pour évoquer le gouffre qui s’approfondit jour après jour entre les élites et les simples citoyens, les premières toujours « responsables mais pas coupables », les seconds toujours « pas responsables mais coupables », peut se constater également dans les hautes sphères du pouvoir, dès lors que l’on dérange le dispositif ou grippe son fonctionnement, et il ne s’agit pas d’une question de compétence ou d’incompétence. Le régime républicain privilégiera toujours l’incompétent servile au compétent indépendant, couvrant le premier en toutes circonstances, quelles que soient ses casseroles, et détruisant le second sans pitié, aussi irréprochables soient ses états de service – la question de l’intérêt supérieur des Français et de leur sécurité, est-il besoin de le préciser, n’entrant jamais en ligne de compte. Nous avons rapporté dans notre ouvrage Le massacre de Charlie Hebdo, l’enquête impossible, le cas du patron du RAID Jean-Michel Fauvergue, limogé en 2017 pour le plus captieux des prétextes en plein état d’urgence terroriste, voyons maintenant celui de Bernard Petit, qui en tant que patron de la PJ de Paris coordonnait les enquêtes les attentats de janvier 2015, brutalement placé en garde-à-vue le 3 février 2015, aussitôt dégradé, limogé, humilié, et toujours en attente de son procès six ans après les faits.
Le présent travail s’intègre dans la série d’articles connexes que nous avons publiés depuis le mois d’août 2021, en accompagnement de la sortie du Massacre de Charlie Hebdo, l’enquête impossible, dans l’ordre :
1) Un ouvrage anticomplotiste (AC), sur le massacre de Charlie Hebdo
2) Le lynchage républicain de Thierry Casasnovas
3) 11 septembre et massacre de Charlie Hebdo : ressemblance ou filiation ?
Sommaire
Une carrière et des états de service exemplaires
Né à Sfax en Tunisie en 1956, Bernard Petit est entré dans la police en 1978, après être passé par l’école des officiers de police à Cannes l’Écluse. Débutant en tant qu’inspecteur puis inspecteur principal de l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCTRIS) il passe en 1985-1986 par l’École supérieure de la police nationale Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, dont il sort major de promotion, entrant dans la carrière de commissaire. Il est affecté pour commencer Adjoint au chef de l’Office central pour la répression du banditisme (OCRB), jusqu’en 1990 où il devient Conseiller technique à la Délégation interministérielle à la lutte contre la drogue et la toxicomanie (DGLDT). De 1994 à 1997, il est chef d’état-major de la police judiciaire, puis de 1997 à 2001, attaché de police en Afrique du Sud pour la Coopération technique et opérationnelle. De 2001 à 2006 il dirige l’OCRTIS, rattaché à la DCPJ. En 2006, il devient « le patron de la Division des relations internationales (DRI) de la police nationale, la nouvelle dénomination de la SCTIP, le Service de la coopération technique international de la police, une responsabilité traditionnellement attribuée à un franc-maçon », rapporte Olivier Toscer dans le nouvelobs.com. En 2010 il est nommé Sous-directeur de la police judiciaire en charge de la lutte contre le crime organisé et la délinquance financière. Il atteint la consécration en décembre 2013, quand il nommé par Manuel Valls à la tête des services actifs de la préfecture de Paris, c’est-à-dire patron du célèbre 36 quai des Orfèvres, en remplacement de Christian Flaesch, coupable de « faute déontologique » (( Bernard Petit résume ainsi l’éviction de Christian Flaesch, p. 73 : « J’avais ensuite [au moment de ma nomination] rencontré François Molins. Prudent et courtois comme souvent, le procureur de la République de Paris n’émet aucun commentaire sur ma nomination. Simplement, il lâche entre deux phrases, au sujet de l’affaire Flaesch : « Dès lors que c’était transcrit, c’était prévisible que ça sortirait… » Une allusion à la retranscription réalisée, à la demande expresse du juge d’instruction chargé de l’enquête, par les fonctionnaires de l’Office central de la lutte contre la corruption et les infractions financière et fiscales, de conversations au cours desquelles Christian Flaesch donnait des conseils à Brice Hortefeux, ancien ministre de l’Intérieur, avant son audition par un juge d’instruction. En fait, une fois ce document établi et transmis au juge mandant, celui-ci avait pris la décision de l’adresser officiellement au parquet, ce qui devait aboutir à une « mise en garde » du parquet général. Malgré la volonté de confidentialité qui entourait ces faits, le journal Le Monde finissait par les dévoiler. Comment les journalistes ont-ils été informés de la convocation et de la mise en garde adressée par le procureur général au directeur de la PJ parisienne ? Nul ne sait Le tout allait provoquer l’ire du ministre de l’Intérieur et le limogeage de mon prédécesseur. » )), pour reprendre les propos publics du ministre. A ce poste éminent, Petit a activement participé à l’enquête sur le massacre de Charlie Hebdo, dont il a vu de ses yeux le carnage dans les locaux du journal au 10 rue Nicolas Appert, et de la prise d’otages de l’Hyper Cacher. Interviouvée sur France Inter, le 5 février, pour commenter la nouvelle de son placement complètement inattendu en garde-à-vue, Martine Monteil, ancienne cheffe de la direction centrale de la police de Paris, sous les ordres de laquelle Bernard Petit a travaillé, produit à propos de la PJ parisienne, dont l’image a été écornée par les affaires en 2014 – nous y reviendrons – et de la carrière de Bernard Petit, le commentaire suivant : « C’est quand même une grosse partie de cette maison [le 36 quai des orfèvres] – il y a eu ceux qui étaient sur le terrain, comme la BRI – mais il y avait aussi tous ceux qui étaient derrière à la brigade criminelle, la section antiterroriste, qui ont merveilleusement travaillé sur l’affaire de ces actes autour de Charlie. (…) C’est un très bon patron, il a gravi tous les échelons des différents services et de la hiérarchie. (…) C’est un garçon qui est intelligent, qui est très réfléchi, et plutôt dans la réserve et dans la prudence, ce qui me fait m’étonner. (…) Je ne sais pas d’ailleurs ce que donnera la fin de l’enquête, parce que moi j’ai toujours une très très grande prudence, et j’attends que les choses soient plus claires. Pour le moment, on en est au stade d’une garde-à-vue. On verra bien. »
Pour l’homme, le coup de tonnerre du 3 février 2015 a été une surprise totale et le traumatisme profond et encore aujourd’hui incompris. « On verra bien », commentait prudemment Martine Monteil à l’époque. « Qui vivra verra », serait-on tenté aujourd’hui d’ajouter, alors que six années se sont écoulées et qu’aucun procès n’est venu éclaircir cette histoire. La transcription de longs extraits de l’autobiographie de Bernard Petit, Secrets de flic, publié en 2018 aux éditions du Seuil, est ici incontournable.
3 février 2015 : La chute
« C’est un matin comme les autres. Je m’arrête au Soleil d’Or, la brasserie à l’angle du boulevard du Palais et du quai du Marché-Neuf, tout près du Quai des Orfèvres. Ignorant que ma fin est proche, je prends paisiblement mon café du matin. Je prends le temps d’engager une discussion avec mon voisin de bar. J’ai toujours aimé parler avec les gens croisés par hasard. Anonyme parmi les anonymes. Je traverse le boulevard du Palais pour rejoindre le 36. Je salue le planton à l’entrée. » (p. 51) (…) « Déjà 9 heures, et c’est la première réunion de la journée : le directeur-adjoint, tous les sous-directeurs, le chef d’état-major et le chef de cabinet sont là autour de la table pour faire un point sur l’activité du moment. (…) La réunion se déroule ce jour-là comme d’habitude, un peu répétitive, un rien monotone même. (…) Ce jour-là, rien de spécial à signaler. Me voilà de retour quand le téléphone sonne. On m’apprend qu’un commissaire de la brigade criminelle vient de retrouver la moto de Coulibaly que nous n’avons cessé de chercher depuis l’attentat de la porte de Vincennes. (…) Je suis vraiment content que cette moto ait été retrouvée. Je téléphone aussitôt au procureur de Paris, François Molins. Lorsqu’il décroche, je n’ai pas le temps de placer un seul mot ! Il semble encore moins disponible que d’habitude, le ton est très cassant : « Je suis très occupé, je n’ai pas le temps de vous parler », et il raccroche. C’est la première fois qu’il me rabroue ainsi. Je lui adresse aussitôt un SMS factuel : « Moto Coulibaly retrouvée. » Un message resté sans réponse. J’ai souvent repensé à l’attitude du magistrat. S’est-il mépris sur l’objet de mon appel ? Craint-il que je ne sois en quête de soutien ? Ce qui est certain c’est que François Molins devait savoir, depuis plusieurs jours, que j’allais être interpellé et poursuivi par la justice. A-t-il eu peur d’être « sali » par ce contact téléphonique avec moi ? Lui seul peut le dire. Sur le moment je n’ai pas compris. (…) Je me prépare alors à une nouvelle réunion. C’est qu’il est bientôt l’heure du « rapport » chez le préfet de police, comme tous les lundi, mercredi et vendredi de chaque semaine. (..) Alors que je commence à préparer mon dossier pour aller chez le préfet, j’entends un brouhaha inhabituel au secrétariat. Soudain, Christine entre dans mon bureau. Le visage livide, elle me dit : « Des juges et l’IGPN, ils sont là… pour vous… » Je n’ai pas le temps d’ouvrir la bouche que des hommes surgissent derrière elle. Je reconnais immédiatement l’un d’entre eux : il est contrôleur général de la police. En revanche, je n’identifie pas les deux magistrats qui se présentent à moi. (…) Ils m’annoncent tout de go qu’ils vont perquisitionner mon bureau dans le cadre d’une enquête pour « violation du secret de l’instruction ». Je n’en reviens pas, je ne comprends pas, je ne parviens même pas à réaliser ce qui se passe. Ironie de notre époque, la télévision me ramène à la réalité. Je vois en direct, simultanément à ce que je suis en train de vivre, l’annonce de la perquisition en cours dans mon bureau et des images de l’entrée du 36 (( Dans son interviou accordée à Mediapart le 20 juin 2018, Bernard Petit précise qu’il disposait d’une télé très grand écran dans son bureau et que son interpellation a forcément été synchronisée avec les Médias qui ont pu la couvrir en direct. ))… Mon abattement est immense. Pourtant, à ce moment-là, je suis loin d’imaginer toutes les conséquences de cette « descente ». (…) Durant la perquisition, j’hésite à faire appel à un avocat. Un commandant de l’IGPN lève ce doute et me glisse, discrètement : « Oui, oui, appelez un avocat. « Je l’interroge : « Mais c’est grave à ce point ? « Son regard en dit long. Oui c’est grave. (…) [L’avocate] ne tardera pas à me rejoindre dans les locaux de l’IGPN. C’est là-bas que je suis entendu. On m’accorde un traitement moins humiliant que celui réservé au commandant Richard Atlan, mon chef de cabinet et ami, dont j’apprends qu’il est lui aussi mis en cause pour les mêmes faits qui me sont reprochés. A cet instant, je crois qu’il est encore possible de s’expliquer et je suis toujours loin d’imaginer le sort qui va m’être réservé, tant sur le plan judiciaire qu’administratif. (…) Les questions pleuvent. Je suis, à la fois, trop révolté et abasourdi pour y répondre correctement. Et les auditions achoppent immédiatement sur des points, qui avec le recul, me paraissent bien secondaires. »
On lui apprend tout de même le motif précis de son placement en garde-à-vue : un certain Philippe Lemaître, lui aussi en garde-à-vue, l’accuse de lui avoir révélé l’existence d’une enquête judiciaire contre Christian Prouteau – que Petit assure ne pas connaître – et d’ainsi perturber le travail de la justice. Lors de la perquisition du bureau de Bernard Petit, les juges saisissent notamment sept pages manuscrites, qu’il avait écrites la veille suite à un échange de SMS avec la cheffe de l’IGPN Marie-France Monéger, faisant le point sur « l’affaire Prouteau », du nom de l’ancien officier de gendarmerie, devenu préfet, fondateur du GIGN et du GSPR, le groupe de sécurité du président de la République. Avec d’autres, Christian Prouteau est alors soupçonné d’avoir tenté, contre paiement, de faire régulariser des situations administratives avec des titres de séjour fragiles. Le nom de Philippe Lemaître, agent administratif du ministère de l’Intérieur, que Petit connaît professionnellement depuis des années, apparaissait dans cette instruction. Mme Monéger avait avisé Bernard Petit par SMS le 2 février, la veille de son interpellation, que ses services avaient besoin de l’entendre personnellement dans le cadre d’une commission rogatoire, sans plus de précisions. Devinant qu’il ne pouvait s’agir que de l’affaire Prouteau, M. Petit avait aussitôt rédigé un mémo très détaillé pour tout expliquer, afin de limiter le nombre d’auditions le ciblant.
« Je passe la nuit en garde-à-vue. C’est mauvais signe. Les enquêteurs m’avisent que je serai présenté aux juges le lendemain. Je sais dès lors qu’on va me mettre en examen quoi qu’il arrive. L’énergie de mon avocate ne changera rien à mon destin. Comme prévu, je suis transféré au palais de justice où l’on me fait attendre longuement dans une cellule.(…) Face aux magistrats, l’interrogatoire de première comparution se passe très mal. J’ai le sentiment que tout est déjà bien scellé, ficelé, et que rien ne modifiera leur point de vue. Mme Bilger se montre agressive, me semble-t-il, s’emportant vite à de nombreuses reprises. Nous nous heurtons sur la nature de ma relation avec Lemaître, et mon banal carnet de notes reste pour elle un agenda. Les magistrats reprennent l’argumentaire de l’IGPN. « M. Lemaître ne peut mentir puisqu’il s’accuse en même temps, quel serait alors son mobile ? « me demandent-ils. Je n’ai pas à répondre pour lui. Mais j’imagine, sans rien en savoir, qu’il tient peut-être à faire tomber d’autres gens pour minimiser sa faute. Et moi quel serait mon mobile ? Je ne le comprends qu’à travers des sous-entendus : ma prétendue obédience maçonnique ! Mais je n’ai jamais été franc-maçon. Je ne sais pas encore aujourd’hui comment on peut prouver, une bonne fois pour toutes, ne pas appartenir à cette confrérie. (…) Je suis d’autant plus furieux que l’un des magistrats qui instruit mon dossier est réputé appartenir à la Grande Loge Nationale de France. Il n’en est pas pour autant coupable. » (p. 65)
« Ma mise en examen acquise, une double sanction s’abat sur moi. Immédiatement et brutalement. Qui peut prétendre que la justice n’est pas rapide ? Quand je pense aux difficultés multiples et variées que j’ai souvent rencontrées pour obtenir d’un magistrat l’autorisation d’une écoute sur un malfaiteur notoire ou l’incarcération d’un trafiquant d’armes ou de stups… Je suis placé sous contrôle judiciaire : je ne peux plus exercer d’activité et tout contact avec des policiers m’est formellement interdit. Lorsque je fais valoir aux juges qu’ils me condamnent professionnellement, ils me répondent que l’administration peut toujours m’affecter dans d’autres services… Ils sont bien les seuls à y croire. Je ne suis évidemment pas dupe. Je suis mort. Ce qui va vite m’être confirmé, j’apprends qu’au sortir du conseil des ministres, le ministre Bernard Cazeneuve s’est déjà exprimé face aux caméras. Son intervention a tout du lâchage. « Si, au terme de ces gardes à vue, il apparaît que des manquements graves ont été commis par des policiers ou d’anciens policiers, je serai d’une fermeté absolue et je serai intraitable. » Promesse tenue. Dès ma sortie de chez les juges, très tard dans la nuit, le ministre a déjà dépêché ses deux émissaires : Jean-Louis Wiart, inspecteur général, en charge des personnels de la préfecture de police, et Brigitte Lafourcade, contrôleur général, en charge des ressources humaines à la direction des ressources et des compétences de la police nationale. (…) Avant qu’ils ne scellent mon sort, j’obtiens de pouvoir passer à mon appartement de fonction pour prendre une douche et me changer. Je me sens sale, sale à tous points de vue. (…) Je dois maintenant quitter le miens. Je suis conduit à « Lumière », un immeuble moderne à la façade rouge, situé tout près de la place de la Nation. C’est là que se trouvent, entre autres, les locaux de la direction des ressources et des compétences de la police nationale. Je ne sais pas ce qui m’attend. Il y a belle lurette qu’il n’y a personne dans les murs à cette heure-là ! (…) A mon arrivée tout est fermé ou presque. (…) [Lafourcade] est en mission. Elle me fait signer successivement trois documents : mon limogeage du poste de directeur, la fin de mon détachement comme contrôleur général et, puisque je suis redevenu un simple commissaire divisionnaire, compte-tenu de mon âge, ma mise à la retraite immédiate. En me présentant ce dernier document, elle prend la peine d’ajouter : « Et maintenant, voilà le plus dur. » Puis elle me demande de restituer immédiatement ma carte de police. Mon arme, quant à elle a déjà été saisie lors de la perquisition. La boîte de courrier électronique à mon nom a été instantanément fermée : je n’aurai jamais l’occasion de m’adresser aux personnels du 36. Sans téléphone, sans ordinateur, le tout promptement saisi par la justice, je me sens comme nu. En quelques heures, je ne suis plus rien. (…) Dans les jours et semaines qui suivent, mon seul contact avec la vie administrative est le préfet de police Bernard Boucaut (( Bernard Boucault a été préfet de Police de Paris du 31 mai 2012 au 9 juillet 2015, date à laquelle il sera remplacé par Michel Cadot. Le nom du préfet Boucault n’apparaît qu’une seule fois dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de 2015, lors de l’audition du patron du RAID Jean-Michel Fauvergue. « J-M Fauvergue : la FIPN a été déclenchée en janvier, ce qui m’a semblé la meilleure des choses. Or, lors d’une réunion de débriefing organisée avec le DGPN et le préfet de police quelques jours plus tard, ce dernier a déclaré n’avoir pas compris pourquoi le RAID était venu sur l’Hyper cacher, le besoin ne s’en étant pas fait ressentir. M. Pascal Popelin. Il s’agit du préfet Boucault… M. Jean-Michel Fauvergue. Cela m’a beaucoup vexé, mais il était préfet, et je n’ai rien dit. » Bernard Boucault rejoint Bernard Petit dans la charrette d’infamie en juillet 2015, quand la presse annonce qu’il est mêlé au même trafic d’influence, l’affaire Prouteau, dans laquelle Bernard Petit a été mêlé à la périphérie – les deux mêmes juges étant à la baguette. Proche de François Hollande, il aurait dû partir en retraite en 2013 mais avait bénéficié d’une dérogation exceptionnelle. Ces révélations entraînent sa démission et son remplacement par Michel Cadot. )). Il me propose de venir déjeuner avec lui à la préfecture, mais je décline. Je n’arrive pas à surmonter mon malaise lorsque je passe aux abords de ce lieu. Nous convenons de nous rencontrer plutôt dans un restaurant du XVIIème arrondissement, loin de l’île de la Cité. Le préfet me conseille de demander ma réintégration. Je suis abasourdi. Pourquoi en effet demander cela à un ministre qui vous a exécuté sur la place publique ? Bernard Boucault de fait rassurant : il m’assure que si je formule une telle demande, j’obtiendrais une réponse positive. L’administration me trouvera alors un poste à l’étranger, même si je dois affronter, pour cela, une commission de discipline. Toujours est-il que je ferai finalement cette demande, et comme annoncé par le préfet, la réponse sera immédiatement positive. C’est irréel. Me voilà réintégré, mais comme commissaire divisionnaire de 6° échelon. En clair : une dizaine d’années de travail ont été effacées. (…) Ma vie professionnelle et sociale est détruite. Je n’ai plus de raison d’être. Cette sale petite musique m’obsède jour et nuit. J’ai été lâché par tout le monde. D’un côté il y a Bernard Cazeneuve qui, à l’Intérieur, est soucieux d’éliminer ce qui rappelle Manuel Valls (( On peut relever dans les médias des indices d’une distance entre les deux hommes, par ex ici, ici, ici )), et c’est ce dernier qui m’avait nommé ; de l’autre, les cadors de la « firme », les bras armés de Nicolas Sarkozy, qui ne m’ont jamais pardonné d’être devenu patron du 36 en lieu et place d’un des leurs. Il fallait absolument m’éliminer. Comme dans une conjuration des contraires. Durant ces jours sombres, j’ai subi un véritable lynchage médiatique, alimenté par les fuites, des violations flagrantes et répétées du secret de l’instruction. Qui les a donc orchestrées ? Je m’en plains verbalement auprès des magistrats. Il m’est répondu que c’est désormais le cas dans toutes les affaires. Et que les indiscrétions peuvent venir de n’importe où et de n’importe qui : des magistrats du parquet, des policiers de l’IGPN, et même du cabinet du ministre… Une banalisation que j’avoue avoir du mal à comprendre et, plus encore, à admettre : la violation du secret de l’instruction, n’est-ce pas ce que l’on me reproche si injustement ? » (p. 70)
Bernard Petit ne manque pas dans son ouvrage de replacer cette éradication professionnelle dans le contexte de sa nomination à la tête du 36 quai des Orfèvres en décembre 2013. Depuis plus d’un an, en effet, les affaires déstabilisantes hors-normes et les coups fourrés en interne avaient été nombreux, comme des augures de ce qui lui tombera sur la tête le 3 février 2015,.
Un exercice perturbé par les affaires et les déstabilisations
Deux affaires retentissantes : un viol et un vol de 52 kg de cocaïne dans les locaux de la PJ
Première affaire : en avril 2014, une touriste canadienne accuse des fonctionnaires de la BRI de l’avoir violée dans les locaux de cette unité. Avant même son élucidation, et alors que Bernard Petit lui-même ne connaît rien du détail des faits, l’affaire fait grand bruit dans la presse. Mis sous pression par le préfet de police Bernard Boucault, il parvient à sauver la tête de Christophe Molmy, récemment nommé à la tête de la BRI-PP, et de son adjoint George Salinas, et se rend sur Europe 1 pour condamner publiquement ces agissements inacceptables. « Plus tard, conclut Petit, le préfet me lâchera : « il faut tenir vos hommes ! » La remarque me blesse. Elle est particulièrement injuste. J’ai conscience que cette affaire m’affaiblit. » (p. 83)
Seconde affaire : beaucoup plus grave et terrible en terme d’image, « c’est dans ce contexte qu’intervient une seconde affaire, tout aussi désagréable, rocambolesque et préjudiciable. Dans la nuit du 24 au 25 juillet 2014, cinquante-deux kilos de cocaïne sont volés dans la salle [des scellés] de la Brigade des stups. » Le brigadier Jonathan Guyot, accusé d’être à l’origine du vol, est rapidement confondu et arrêté (( 2017 à 10 ans de prison, la peine maximale pour ce genre de délit. Les 50 kilos de cocaïne, d’une valeur de deux millions d’euros, n’ont jamais été retrouvés. Il a été reconnu sur les caméras de vidéosurveillance par les plantons et plusieurs membres de sa hiérarchie, malgré sa casquette et son épais blouson. Il aurait sorti la cocaïne en trois fois. )). Quoique Bernard Petit n’y soit pour rien, le scandale est immense et rejaillit encore sur lui : « ces affaires inédites au 36 m’ont incontestablement fragilisé. Je suis devenu une cible vulnérable. Surtout pendant cette période pré-électorale. » D’autant que certains médias, manifestement en service commandé, ne se privent pas d’exploiter immédiatement l’affaire pour la lui mettre sur le dos : « C’est le moment que choisit Valeurs actuelles, qui soutient alors ouvertement Nicolas Sarkozy, pour m’accuser de faire partie d’un cabinet noir. (…) L’hebdomadaire, situé à la droite de la droite, ne fait pas dans la dentelle et me désigne comme « le responsable police » de cette cellule clandestine. Je suis scandalisé et j’en obtiendrai réparation en justice. » (p. 86)
Déstabilisations
Les déstabilisations ont commencé en fait dès son installation à la tête du 36 quai des Orfèvres. L’origine est à en chercher dans la façon dont il a été nommé en remplacement de Christian Flaesch, brutalement débarqué par Manuels Valls, ce qui l’a fait soupçonner d’avoir participé à un complot ourdi par un camp politique ennemi des sarkozystes dont le 36 quai des Orfèvres était truffé, et fait aussitôt naître l’envie et sans doute les projets d’avoir sa peau tôt ou tard. Bernard Petit raconte que le champagne a été sabré le jour de sa disgrâce au 36 quai des Orfèvres. Il donne dans son ouvrage plusieurs exemples de déstabilisations.
Premier exemple : dans les premiers jours de son installation il reçoit en rendez-vous l’un des responsables de la gestion de la PJ pour évoquer avec lui sa future mutation dont il a fait la demande et que Bernard Petit peut lui confirmer quoiqu’il n’en soit pas responsable. « Au moment de sortir de mon bureau, il paraît hésiter. Je l’interroge :
« Vous avez changé d’avis ?
– Non, pas du tout, monsieur le directeur…
– Vous avez oublié quelque chose ?
– Non, monsieur le directeur. Je voulais simplement vous prévenir. Attention à vos dépenses. A la préfecture, quelqu’un suit de près vos débits de carte bleue et les commente à haute voix.
– Mais qui, bon sang ? Et Pourquoi ?
– Je ne peux pas vous dire. Simplement, faites attention… » (p. 75)
Second exemple, à peine croyable : « Quelques semaines plus tard, un nouvel avertissement m’est adressé. Lors d’une de nos multiples réunions destinées à faire le point sur les enquêtes en cours, le procureur de Paris m’interroge sur le dossier Aristophil. Cette société, fondée en 1990, est spécialisée dans l’expertise et le commerce de lettres autographes et de manuscrits originaux du patrimoine écrit. Elle vend notamment des parts dans la possession de ces documents. Son succès est tel qu’elle ouvre des filiales en Belgique, en Suisse, en Autriche et même à Hong Kong. Parallèlement à cette activité, son fondateur, Gérard L’héritier, crée en 2004, à Paris, le Musée des lettres et des manuscrits. Six cents mètres carrés situés boulevard Saint-Germain, au cœur du Paris intellectuel. Les plus hautes autorités de l’État visitent ce lieu, dont le parrain n’est autre que Patrick Poivre d’Arvor, et l’un des principaux financiers, la Société Générale. Des milliers d’épargnants placent ainsi leur argent dans ce qui est présenté comme un bon investissement, en achetant en pleine propriété ou en indivision des documents rares. Pourtant, courant 2014, une enquête est ouverte sur les agissements de cette société. Elle est confiée à la brigade de la répression de la délinquance économique de la police judiciaire. En m’interrogeant, François Molins veut savoir si cette enquête s’oriente vers une arnaque à la Madoff, une sorte de « pyramide de Ponzi » des belles lettres. Autrement dit : « les achats des uns servent-ils à financer les intérêts et le remboursement des autres ? » Je lui réponds benoîtement n’en rien savoir. Les investigations sont en cours, perquisitions et autres saisies d’éléments comptables pourront sans doute nous éclairer. Molins me presse alors d’accélérer l’enquête. Mon sous-directeur aux affaires économiques et financières en a la responsabilité. Je laisse donc Gilles Aubry manœuvrer. Un matin, il vient me trouver. D’ordinaire souriant, il présente un visage inhabituel :
« Que se passe-t-il, Gilles ?
– Tu as déjà été au musée du livre ?
– Non, je ne sais même pas où c’est. Pourquoi me demandes-tu ça ?
– Tu connais le patron d’Aristophil ?
– Ni lui ni aucun de ses employés. Où veux-tu en venir ? »
Embarrassé, Gilles m’explique que, lors d’une perquisition, ses hommes ont découvert un mot signé de ma main dans le livre d’or de l’établissement. Il fait peu de doute dans mon esprit qu’il s’agit d’un acte malveillant. Je comprends aussi, que, s’il en parle, c’est que tôt ou tard cette information sera dans la procédure et peut-être d’ici peu dans la presse. J’imagine déjà avec angoisse le titre de l’article du Canard enchaîné !
« Mais Gilles, dans ton musée, il y a bien des caméras de surveillance ? »
Gilles Aubry est un pro, il a déjà fait bloquer les bandes enregistrées. Dans les quarante-huit heures qui suivent, il m’informe par téléphone qu’on a trouvé « le coupable », un commandant de police de sa sous-direction. Celui-ci reconnaît avoir écrit le mot signé sous mon nom. J’exige aussitôt qu’un rapport me soit adressé par la voix hiérarchique. Le document que je reçois comprend plusieurs pages très bien écrites. L’essentiel est consacré à décrire la situation et l’attitude d’un représentant du parquet venu sur place, lequel se serait montré bougon et peu enthousiaste quant à sa participation à l’opération. Seul, le dernier feuillet de l’article aborde l’écriture en catimini et sous mon nom du fameux mot dans le livre d’or. On croit comprendre que le commandant s’est laissé aller à écrire un mot supposé humoristique pour tromper le temps. Je n’en reviens pas. Je veux rencontrer ce fonctionnaire qui s’amuse à écrire en mon nom. Quand il se présente à moi, accompagné de ses supérieurs, je constate que c’est un vieux soldat, le regard fuyant, qui n’arrive pas à me donner une explication cohérente. J’en parle au procureur de Paris. François Molins prend le temps de lire le rapport du fonctionnaire de police que je lui tends. Il s’attarde sur les passages concernant l’attitude de son collaborateur mais ne me semble pas prêter attention au feuillet me concernant… Affaire classée. » (p. 75 à 78)
Mai 2021 : le procès à venir de Bernard Petit ?
Dans l’une des très rares intervious de fond que les médias lui ont consacré lors de la sortie de son livre, Bernard Petit explique face à Edwy Plenel pour Mediapart (( Ceux qui auront la curiosité de regarder cette entretien se rendront assez vite compte que la motivation principale qui a poussé Edwy Plenel à interviouver Bernard Petit, au-delà du souci de rétablir la vérité, est la charge indirecte de Bernard Petit dans son livre contre les réseaux sarkozystes, cible obsessionnelle de Médiapart et d’Edwy Plenel. )), le 20 juin 2018, qu’à cette date, il attendait toujours la tenue de son procès pour qu’il puisse enfin se défendre dans un cadre a priori impartial. Ces trois ans et demi d’attente sont bien évidemment à mettre en regard des trois journées au cours desquelles il a tout perdu, ce qu’il appelle, pour reprendre son expression évocatrice, la « bombe thermonucléaire » qui lui est tombée dessus. Il semble finalement, si l’on en croit une série d’articles parus en mai 2021, que le parquet ait enfin jugé opportun d’approfondir cette affaire, pour établir si oui ou non, le traitement de choc réservé à Bernard Petit, et une douzaine d’autres prévenus parmi lesquels son directeur de cabinet Richard Atlan et du syndicaliste, président de l’Anas, Joaquin Masanet, qui gère les œuvres sociales de la police, était mérité. Mieux vaut tard que jamais, dit le dicton. Six ans, ce n’est après tout qu’une année supplémentaire par rapport aux dix inculpés du massacre de Charlie Hebdo et de la prise d’otages de l’Hyper Cacher, restés pour certains en détention provisoire pendant plus de cinq ans : ce que le système judiciaire français si performant permet dès lors qu’il s’agit d’affaires traitant de faits de terrorisme.
Dans une dépêche AFP du 27 mai 2021, on apprend ainsi que « Le parquet de Paris demande à nouveau le renvoi en correctionnelle de l’ex-patron de la PJ parisienne et de 12 autres personnes dans l’affaire des fuites au «36» qui avait ébranlé l’institution policière en 2015, d’après une source proche du dossier, confirmant une information du Parisien.«
Cette demande intervient trois années après que le ministère public ait rendu, le 12 avril 2018, ses premières réquisitions, qui réclamaient notamment un procès en correctionnelle pour Petit et Masanet pour « violation du secret de l’instruction ». Si l’on se base sur le rythme auquel l’affaire progresse depuis février 2015, avec un sas juridique franchi tous les trois ans, on peut estimer que le procès de Bernard Petit devrait se tenir à l’horizon du printemps 2024. Entre-temps, Bernard Petit – ce que laissait augurer les indéniables qualités littéraires de son autobiographie Secrets de flic, s’est lancé avec succès dans le roman policier, avec un premier ouvrage du genre, La traque, publié aux éditions Fleuve noir, plutôt bien reçu par la critique.
Conclusion
Tant que des fonctionnaires coupables de décisions désastreuses, par incompétence ou duplicité, seront sciemment couverts – comme dans le cas de l’abaissement à tous les niveaux de la sécurité de Charlie Hebdo les semaines et les mois précédant les attentats, ou de l’ordre réitéré de non intervention au Bataclan donné à la BI – tant que les fonctionnaires les plus compétents et les plus expérimentés seront mutés ou limogés en plein milieu des tempêtes (Jean-Michel Fauvergue, Bernard Petit, Marc Trévidic (( Marc Trévidic a officié en tant que juge d’instruction au pôle antiterrorisme du tribunal de grande instance de Paris de 2006 à 2015. Il doit quitter ce poste le 25 août 2015, en raison de la limite imposée de dix années pour occuper un tel poste. Il n’y aurait pas de polémique si en août 2015, Marc Trévidic n’avait reçu des informations très crédibles faisant état d’un prochain attentat dans une salle de concert parisienne : son remplacement pendant cette période cruciale de la préparation des attentats du 13 novembre a forcément affaibli la vigilance et la réactivité du pôle antiterrorisme. Nous avons raconté plus en détails cette polémique dans notre article 7+2+x=15 : l’équation interdite des attentats du 13 novembre. ))), pour des prétextes captieux, le respect fanatique des procédures administratives, voire dans le cadre de missions de sabotage ; tant que les medias unanimes dans toutes les circonstances de ce genre couvriront en complices ces scandales, tout en allumant des contrefeux pour inviter le bétail démocratique à regarder vers une autre direction de l’enclos, toutes les lois antiterroristes du monde, d’une sévérité croissante, ne pourront avoir aucune espèce d’utilité, les « démocraties » demeureront vulnérables, et les « complotistes » auront raison de nourrir une méfiance systématique envers les autorités, et de tenter d’exposer sur la place publique par tous les moyens ces incuries où ces duplicités aux yeux de leurs concitoyens anesthésiés par la propagande et l’ingénierie sociale.
Addendum : le point de vue de Bernard Petit sur le massacre de Charlie Hebdo et le mystère des frères Kouachi
Il nous semble utile, dans la perspective de notre ouvrage sur le massacre de Charlie Hebdo, l’enquête impossible, de livrer le point de vue Bernard Petit sur l’enquête sur le massacre de Charlie Hebdo, point de vue d’autant plus intéressant qu’avons-nous vu, il y a participé aux premières loges, et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’homme est dubitatif sur le caractère éternel de la version officielle de cet événement. C’est l’ex patron de la PJ, en poste au moment de ces événements, qui pose ces questions ! toujours face à Edwy Plenel, questions que d’aucuns qualifieraient de « complotistes », mais qui finalement ne sont pas très différentes de celles que se pose la veuve de l’avocat du garde du corps de Charb, Ingrid Brinsolaro, la veuve de George Wolinski, Maryse Wolinski, et plus récemment encore, la mère de Charb Denise Charbonnier dans son ouvrage Lettre à mon fils Charb, publié en avril 2021 aux éditions JC Lattès.
« Bernard Petit : Vous savez, j’ai enquêté sur l’affaire Charlie Hebdo, Coulibaly, Kouachi, etc., ça m’a beaucoup frappé de voir, une fois qu’on a identifié les Kouachi, il nous est tombé des notes et des notes de renseignement sur eux. On savait tout d’eux (…) Ce qui est intéressant c’est de se dire : ils ont été détectés, comment c’est possible qu’il y ait personne derrière eux (sourire incrédule) ? C’est ça la vraie question ! C’est pas « Ah les fichés S, le fichier pour la prévention du terrorisme, de la radicalité… ». Non, la question, c’est, une fois que vous avez le renseignement, et si vous êtes convaincus que vous ne faites pas du renseignement pour du renseignement, c’est qui est derrière ? Et le hic il est là parce que là c’est une question de moyens. [Plenel s’étonne et lui demande pourquoi il n’y pas eu de débriefing et pourquoi il n’y a pas eu de commission parlementaire (sic!), pour comprendre… « Pourquoi est-ce qu’on a mis tout de suite un couvercle ? »] Parce qu’on est tous dans des postures, et on a cette bêtise de ne pas parler aux gens, aux citoyens, normalement. Il est évident que si vous regardez l’affaire des Kouachi, ces types-là se sont armés, ils se sont équipés, etc. Il y a bien quelqu’un qui leur a apporté les armes ? Plenel : on a fait une enquête là-dessus, on a montré leur circuit… [NDA : c’est faux, tout l’arsenal de Coulibaly a pu être retracé, concernant celui des frères Kouachi le mystère demeure total à ce jour] Petit : que maintenant qu’on sait comment ça a fonctionné [même erreur de la part de M. Petit], ça montre qu’il y a une importance avec le renseignement territorial qui doit se coupler avec le renseignement d’un échelon un peu supérieur qui est celui de la DGSI par exemple [NDA, allusion au changement de domicile de Saïd Kouachi à Reims qui avait entraîné l’interruption des écoutes le concernant], et qu’il y a des problèmes de coordination, de tuilage, entre ces services de renseignement, mais c’est très important. Je crois effectivement qu’on a besoin de tirer des leçons. C’est clair, mais à condition de ne pas rester dans ces postures : « on travaille très bien, on a empêché tant d’actions… » Oui, bah, ni vous ni moi on peut vérifier combien d’actions, voilà, parce que c’est secret. Et puis quand ça pète, quand on tue un prêtre [NDA, le père Jacques Hamel, assassiné par Adel Kermiche et Abd el Nabil Petit Jean le 26 juillet 2016, 12 jours après l’attentat de Nice. Nous avons résumé ces affaires dans L’activité de Daech en France : base de données], quand on tue toute l’équipe de Charlie Hebdo, après quand même on se pose des questions. Ces questions je me les pose dans le livre, et c’est les questions que je me suis posées sur le moment, c’est « comment ils ont pu rassembler ces kalachnikovs, ce matériel, comment on a pu voir ces gens aller et venir et puis ne pas être derrière eux… » et une fois ça va, deux fois ça va, mais je crois, je dis ça, tant qu’il n’y aura pas ce débriefing, cette clarté dont on a besoin, on continuera de chuchoter dans les services, dans les salles de rédaction, dans la rue, ou autour d’un café, pour se dire, mais qu’est-ce qui se passe ? Ils n’ont pas vu. Comment ? Pourquoi ? »