Après avoir exposé le contexte et le déroulement des attentats du 13 novembre 2015, et retracé le parcours des trois tueurs du Bataclan, en plus de l’un des kamikazes du Stade de France, dans cette seconde galerie de portraits nous passons en revue le trio responsable des tueries des terrasses du Carillon, du Petit Cambodge, de la Bonne Bière, de Casa Nostra, de la Belle équipe, et du Comptoir Voltaire, composé d’Abdelhamid Abaaoud, acteur fondamental de l’opération multisites, Chakib Akrouh, et Brahim Abdeslam, frère aîné de Salah Abdeslam et tenancier du café les Béguines dans la commune bruxelloise de Molenbeek-Saint-Jean.
Abdelhamid Abaaoud
Le principal élément moteur des attentats du 13 novembre 2015, Abdelhamid Abaaoud, est né le 8 avril 1987 dans une famille belge originaire de la ville de Souss au Maroc. Aîné d’une fratrie de six enfants, il a grandi à Molenbeek, à deux pas des adresses de la famille de Mohamed Abrini et de Brahim et Salah Abdeslam, dont il était très proche, et qui précisera, le 2 novembre 2021, lors du procès des attentats : « Je l’ai connu depuis le plus jeune âge, j’avais environ 11 ans. C’était mon ami d’enfance, je traînais tous les jours avec lui ». A entendre son père Omar, il a eu une enfance heureuse et sans histoires, et rien ne pouvait laisser deviner le monstre qu’il est graduellement devenu. Le 20 janvier 2015, juste après le démantèlement de la cellule djihadiste de Verviers (voir plus loin), le père poussera ce cri de désespoir : « Nous avions une belle vie, oui, même une vie fantastique ici. Abdelhamid n’était pas un enfant difficile et c’était devenu un bon commerçant. » De fait, la famille Abaaoud semblait vouloir le meilleur pour son fils, allant jusqu’à l’inscrire, en 1999, au collège catholique Saint-Pierre à Uccle, établissement huppé. D’anciens élèves se souviennent d’un élève qui « était très impoli et se foutait de la gueule de tout le monde. C’était un petit con »1. Plus compréhensif, un autre décrit « un élève un peu turbulent qui aimait bien défier l’autorité, mais il n’était pas vilain dans le fond. Il était drôle et aimait rire, même si cela consistait parfois à emmerder d’autres élèves… » Pour un autre, certains signes annonçaient déjà la carrière de délinquant qu’il s’apprêtait à embrasser, même si à l’époque il n’avait absolument rien d’un extrémiste : « je me rappelle qu’il faisait chier pas mal de gamins, qu’il volait dans les poches des sacs pendant la récréation. Au square des Héros, il avait provoqué des policiers en ricanant à leur face, ce qui lui avait valu un contrôle. » En conséquence son passage fait long feu et il n’est pas retenu l’année suivante. Selon son frère Yassine, auditionné à son corps défendant le 9 décembre 2021 au procès des attentats, il a quitté le domicile familial à l’âge de 16 ans. Cela colle avec une fiche des renseignements belges révélée en novembre 2015 qui situe ses premiers démêlés avec la justice en 2002. Il effectue par la suite des séjours réguliers en prison entre 2006 et 2012. Parmi les larcins dans lesquels il a trempé on peut relever une affaire de recel pour laquelle il a écopé d’une peine de travail en 2006, l’attaque d’un garage d’Ottignies-Louvain-la-Neuve en 2010, en compagnie de Salah Abdeslam et deux autres complices, qui lui vaut une condamnation à un an avec sursis, et des vols avec violences qui lui valent son plus long séjour en prison en 2011 pour une durée de 18 mois. L’avocat qui le défendait à l’époque ne semble toutefois pas avoir d’estime pour lui en tant que professionnel2 : « C’étaient les pieds nickelés. C’était de la petite délinquance sans grande envergure qui ne révélait en rien ce qu’il allait advenir plus tard. » C’est sans doute au cours de ce dernier séjour qu’il a rencontré l’influenceur qui l’a déterminé à embrasser sa seconde carrière de djihadiste. Son père rapporte qu’au terme de ce séjour, en septembre 2012, il s’est laissé pousser la barbe et, « tout à coup, il est parti pour la Syrie. Je me suis demandé tous les jours pour quelle raison il s’est radicalisé à ce point. Je n’ai jamais reçu de réponse. » Selon son frère Yassine (même témoignage), il effectue alors un séjour en Égypte afin de se perfectionner en arabe et en Coran, et début 2013, il effectue, bien avant tous ses autres futurs frères du 13 novembre, dans les tout premiers temps de l’expansion de l’Etat Islamique en Syrie, le grand saut vers le Levant.
Sur place, il produit une impression favorable et gagne rapidement en influence et en position dans l’organisation. Le 20 janvier 2014, il est contrôlé à l’aéroport de Cologne, alors qu’il prend le chemin d’Istanbul, accompagné de son jeune frère Younès, âgé de 13 ans, qu’il vient d’enlever à la sortie de l’école, et d’un futur combattant daéchiste d’origine malienne qui périra plus tard dans des combats en Syrie. Suite à cet épisode, son père porte plainte contre lui. Il est alors considéré par les services belges comme un véritable combattant de l’État islamique. Le 12 février 2014 est un point d’orgue de sa seconde carrière, puisque c’est alors qu’il se filme, à Raqqa, à tracter au volant d’un pick-up, huit cadavres d’ennemis tués dans la ville de Hraytan, ficelés à un bout de bois, à destination d’une fosse commune vers laquelle il les emmène hilare et prolixe, fanfaronnant : « Avant, on tractait des jet-skis, des quads, des grosses remorques remplies de bagages, de cadeaux pour aller en vacances au Maroc. Maintenant, on tracte les infidèles, les mécréants, ceux qui combattent l’islam. » Dans le langage cru qu’il a en commun avec tant de ses « frères », il partage cette impression olfactive : « putain ça chlingue, mon frère ! » Cette vidéo était la préférée de Brahim Abdeslam que celui-ci faisait passer sur son ordinateur au café les Béguines avec fierté, Brahim qu’il appelle en juillet pour l’inciter à rejoindre l’armée des Justes, Brahim qui tentera en vain lors d’un voyage du 24 au 28 janvier 2015 de passer en Syrie pour se montrer à la hauteur de son modèle et ami d’enfance. Abaaoud va adopter plusieurs kounyas( noms de guerre) successifs, en mai 2014 celui d’Abou Omar, puis d’Abou Omar Soussi (référence à la ville d’origine de sa famille) en juillet 2014, puis Abou Omar Al-Baljiki (référence à la Belgique), à partir de février 2015. Il s’occupe notamment de la sélection des candidats à l’épanouissement personnel dans les opérations extérieures de l’EI, c’est-à-dire les attentats terroristes. C’était l’époque où il était encore facile de passer d’une frontière à une autre sans encourir l’ire ou la suspicion des services compétents des différents pays concernés. Fin septembre 2014, de retour en Belgique, il est ainsi aperçu en train de se promener à Molenbeek, accompagné d’un homme qui prendra lui aussi le chemin de la Syrie. Le 10 janvier 2015, il a une ultime conversation téléphonique avec son frère Yassine, au cours de laquelle il commente les récents attentats de la rédaction de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, lui promettant que « ça n’est que le début ». Le mois de janvier 2015 est celui qui le fait véritablement passer de l’ombre à la lumière et se dépouiller définitivement de sa chrysalide de délinquant médiocre pour se métamorphoser en redoutable terroriste : le 15 de ce mois, à 17h45, les unités spéciales de la police belge (CGSU) prennent d’assaut une ancienne boulangerie située rue des collines à Verviers. Il s’agit de neutraliser trois hommes qui s’apprêtent à attaquer le commissariat central de Molenbeek le lendemain (16 janvier). Deux terroristes sont tués lors de l’intervention et le troisième est blessé. On retrouve notamment sur les lieux des kalachnikovs, du matériel pouvant servir à la fabrication d’explosifs, et des caméras go pros censés on l’imagine immortaliser leur action pour être ensuite mis en musique par l’Amaq, l’organe de propagande de l’Etat islamique. Une vive polémique naît aussitôt, car les services belges n’ayant averti que 15 minutes avant le déclenchement de l’assaut leurs homologues grecs, cette intervention précipite la fuite d’Abaaoud de la ville d’Athènes où il se trouvait pour piloter l’opération. Il devient alors en Belgique « l’ennemi public numéro un », périphrase circonstancielle employée telle quelle dans les médias d’outre-Quiévrain. Interviouvé le 20 janvier par le media dhnet.be, son père tient à radicalement marquer ses distances avec la chair de sa chair : « Je n’en peux plus. Mes forces sont à bout. J’ai honte pour Abdelhamid, mon fils. Il a ruiné nos vies. »/ « Pourquoi, au nom de Dieu, voudrait-il tuer des Belges innocents ? Notre famille doit tout à ce pays. ». Le 29 juillet 2015, Abaaoud est condamné à 20 ans de prison lors du procès des membres de la filiale de recrutement de l’organisation EI basée en Belgique qui voulait perpétrer l’attaque du commissariat de Molenbeek.
En février 2015, il avait accordé un long entretien au magazine de Daech, Dabiq, qui ne laissait plus le moindre doute sur son orientation et ses motivations. Il y fanfaronne encore : « Nous avons finalement réussi à rejoindre la Belgique. Nous avons alors réussi à obtenir des armes et à établir une planque tout en planifiant de mener des opérations contre les croisés ». « J’ai pu partir et venir à el-Cham (en arabe la Grande Syrie) malgré la chasse menée par tant de services de renseignement »./« Tout cela prouve que le musulman ne doit pas craindre les services de renseignement des croisés dont la réputation est usurpée. Mon nom et ma photo étaient étalés partout et, pourtant, j’ai pu rester dans leur patrie, planifier des opérations contre eux, et partir en toute sécurité lorsque cela s’est avéré nécessaire. »
Début juillet 2015, il reçoit son ami d’enfance Mohamed Abrini à Raqqa qui est venu se recueillir sur la tombe de son frère Souleymane tué au combat, dont Abaaoud s’est personnellement occupé en Syrie. Il le charge en cette occasion, avant de retourner en Belgique, de faire un crochet par l’Angleterre pour récupérer une liasse de 2500 livres sterling. Au procès des attentats, Abrini expliquera qu’il s’est non seulement chargé de la mission, mais qu’il a joué la somme au casino – vice particulièrement répandu parmi les protagonistes de ce dossier – pour la faire grimper à 4000, suscitant l’incrédulité générale. Toujours au mois de juillet, entre les 24 et 26, selon l’enquêtrice belge n° 447.437.051 auditionnée le 2 décembre 2021 au procès des attentats, il rencontre en Turquie les frères el Bakraoui, et nous renvoyons, pour compléter le tableau, aux portraits ultérieurs des deux kamikazes des attentats de Bruxelles du 22 mars 2016 et celui d’Ali el Haddad Asufi, qui en cette occasion a accompagné l’aîné Ibrahim jusqu’à Athènes. Le 6 août, il rentre en Europe en compagnie d’Ayoub el Khazzany – le futur terroriste de l’attentat du Thalys du 23 août 2015 – par la route des migrants (île de Chios, Grèce, Serbie, Hongrie, Allemagne. En cette occasion, Mohamed Bakkali aurait servi de chauffeur aux deux hommes pour les ramener en Belgique. En ce mois d’août, un rapport alarmiste de la DGSI indique qu’Abaaoud est derrière une demi douzaine d’attentats ou projets d’attentats terroristes, parmi lesquels, donc, celui du Thalys mais aussi celui avorté contre l’église de Villejuif du 19 avril 2015 qui a coûté la vie à Aurélie Châtelain, et celui qu’aurait pu perpétrer Reda Hame, arrêté à son retour de Syrie le 11 août, contre une salle de spectacle parisienne en suivant les consigne d’Abaaoud rencontré à Raqqa3. Le 10 septembre, Abaaoud – planqué alors dans l’appartement conspiratif de Charleroi – annonce à Mohamed Abrini une bonne nouvelle : il va faire partie d’un grand projet. Au procès, l’intéressé a déclaré ne pas savoir qu’il allait s’agir d’attentats et expliqué pourquoi il a répondu banco ! sans réfléchir : « Je ne peux pas aller à l’affront avec Abaaoud. Je ne peux pas lui dire non. Je dois être loyal, parce qu’il a bataillé pendant des années avec mon petit frère, il a risqué sa vie pour aller chercher sa dépouille ». Deux jours avant les attentats, il annonce la bonne nouvelle à son autre ami d’enfance, Salah Abdeslam, qui narre ainsi l’épisode au procès : « Je vais rencontrer Abdelhamid Abaaoud, il me raconte le projet de faire des attaques en France. Il ne me dit pas les cibles, simplement que je devrai porter une ceinture explosive et me rendre dans un endroit pour me faire exploser. C’était un choc pour moi. Je lui fais comprendre que je ne suis pas prêt pour ça, mais il va finir par me convaincre. Et moi je vais accepter. » Son frère aîné s’efforce également de le convaincre : « On m’explique que c’est le paradis qui m’attend si je fais cette œuvre-là. Et mon frère me dit : “Tu es capable de le faire”. » Influençable et suiveur, Salah toutefois n’est pas très chaud : « Je ne parle pas beaucoup. J’essaie de leur dire que je ne suis pas entraîné, pas capable, j’essaie de trouver des excuses. Je ne dis pas qu’ils m’ont forcé. Mais j’ai fini par dire : “c’est bon, je vais y aller ». » Voilà comment l’on devient l’ennemi public numéro un dans l’Europe post-moderne.
Abdelhamid Abaaoud, qui a participé au commando des Terrasses, dont le bilan est de 39 morts et 32 blessés graves, pensait sans doute mourir au combat et rejoindre le Valhala mahométan, mais avec son compère Chakib Akrouh il sort indemne de l’équipée meurtrière et ne sait plus quoi faire. Les deux hommes abandonnent leur Seat Leone dans une rue de Montreuil (commune limitrophe de Paris à l’est), laissant à l’intérieur trois kalachnikovs, avec cinq chargeurs pleins et onze vides. Une caméra de surveillance du métro Croix de Chavaux a immortalisé les deux hommes, fraudant un tourniquet en se faisant même aider par un usager complaisant. Son téléphone aurait ensuite borné près du Bataclan, ce qui implique que les deux hommes, désœuvrés, ont eu l’idée d’aller assister aux premières loges au grand spectacle déclenché par leurs trois frères du plus meurtrier des trois commandos.
A ce moment-là, en haut lieu, tout le monde est persuadé qu’Abaaoud se trouve en Syrie, mais une circonstance extraordinaire va ouvrir les yeux aux enquêteurs sur le pied de guerre. Ne sachant que faire, celui-ci trouve le moyen, via Mohamed Belkaïd qui coordonnait les trois équipes du 13 novembre depuis la Belgique, d’entrer en contact avec sa cousine Hasna Belhacen, une jeune femme au passé chaotique, complètement déjantée, du genre à siffler une bouteille de Jack Daniels en Niqab, hébergée par une certaine « Sonia » – c’est un prénom modifié –, qui se trouve chargée de lui prêter assistance dans une friche d’Aubervilliers où les deux hommes ont trouvé refuge. Hasna convainc Sonia de l’accompagner en voiture jusqu’à Abdelhamid. Sonia raconte ainsi l’épisode dans le livre qu’elle a co-écrit avec la journaliste Aude Lancelin. Sonia est stupéfiée de se retrouver nez à nez avec le criminel qui, alors que soupçonneuse elle lui demande s’il a participé au concert sanglant, lui avoue tout de go que oui, lui expliquant même au passage : « T’as qu’à venir voir ce qui se passe chez nous en Syrie, hein, tu verras ce que c’est vraiment que des innocents massacrés. C’est la faute des occidentaux. » Toujours le même argument… et : « Ah oui ? Et le djihad c’est quoi ? Moi et mes frères on suit la voie du grand djihad, justement parce que c’est la seule qui sauvera les musulmans. Toi et vous tous en Europe, vous êtes des brebis égarées. Tu sais, le matin quand je me lève, je vous vois tous comme des morceaux de pain blanc. J’ai tous envie de vous faire sauter. Tous ces kouffar, ces mécréants, tu vois : poum ! » (p. 22 et 23) « on est venu avec les réfugiés. On est quatre-vingt dix à être entrés. Il y a des Syriens, des Irakiens, des Anglais, des Allemands, des Belges, des Français. On a des frères partout en Île-de-France, dans le 93, 91, 92, 94, le 77, 78… On est partout. La France, c’est zéro. » (p. 25) Très méfiant, il avertit sa cousine qu’il faudra tôt ou tard se débarrasser de Sonia et de son mari qui leur a servi de chauffeur. Informée par Hasna, Sonia prend alors la décision de dénoncer Abaaoud. Lents à se laisser convaincre, les policiers la prennent finalement au sérieux, et Sonia, s’efforçant de cacher son jeu à Hasna, permet à ses derniers de remonter jusqu’à la planque où Abaaoud et Akrouh ont finalement trouvé refuge, rue du Corbillon, dans la commune de Saint-Denis, au nord de Paris. Le 18 novembre à 4h16, le RAID donne l’assaut de l’appartement. Comme il n’y a pas d’otages comme au Bataclan, les hommes décident d’agir très brutalement. Après avoir tenté de faire exploser la porte d’entrée, ils envoient un éclaireur, un chien qui se fait buter, puis tirent près de 5000 cartouches à travers les murs. L’un des deux hommes – sans doute Chakib Akrouh – se fait exploser. On trouvera ensuite le cadavre méconnaissable d’Abaaoud, et le corps de la cousine Hasna, morte étouffée dans les décombres de l’appartement effondré. Quant à la pauvre Sonia, son existence a emprunté la trajectoire classique du lanceur d’alerte dans un pays comme la France : interpellation musclée à son domicile, la révélant au grand jour comme donneuse à tout le quartier, garde-à-vue de 96h, exil dans un nouveau quartier pourri sans moyens financiers ni repères utiles. Le procès des attentats l’a tout de même vu témoigner et reconnaître son statut d’héroïne : en effet Abdelhamid Abaaoud ambitionnait d’aller faire un carton dans le quartier de la Défense les jours suivants – avec on ne sait quelles armes puisqu’il les avait toutes abandonnées dans la Seat à Montreuil – Seat dont on apprend dans le livre de Sonia qu’Abaaoud pourrait ne l’avoir jamais abandonné à Montreuil.
Chakib Akrouh
Né le 27 août 1990 en Belgique, Chakib Akrouh, 25 ans au moment des faits, est un molenbeekois pur jus – au sens moderne, c’est-à-dire marocain du terme – qui a passé toute son enfance dans le même petit périmètre de la partie « historique » de Molenbeek. Titulaire de la double nationalité belge et marocaine, il ne semble pas traîner derrière lui un passé de délinquant et n’avait pas de casier de judiciaire, contrairement à tant des protagonistes de ce dossier, et plus généralement de ce genre de dossier. Nous nous étendrons beaucoup moins sur son passé que dans d’autres portraits, car l’information disponible à son sujet est bien lacunaire, que l’on se réfère au procès ou aux médias, jamais avares de ce genre de détails dont raffolent les lecteurs, et il est impossible de retrouver un témoignage détaillé de l’un de ses proches, contrairement à des cas comme Samy Amimour4 ou Bilal Hadfi5, dont nous avons retracé les parcours au chapitre précédent. Pour donner une illustration de ce mystère, lorsque des journalistes de RTL info et France 3 se sont rendus au domicile parental molenbeekois pour tenter d’obtenir un témoignage, ils se sont fait insulter et violemment agresser par un type leur ayant fait comprendre qu’il était son « frère ». Il est vrai que l’appartement venait tout juste d’être perquisitionné par la police suite à l’identification la veille du troisième tueur du Bataclan (Foued Mohamed Aggad), avec Samy Amimour et Ismaïl Mostefai, qui demeurait à ce jour un mystère.
On sait au moins qu’il fréquentait – comme Mohamed Abrini et Ayoub el Khazzany, l’auteur de l’attaque du Thalys le 21 août 2015 – la petite et rigoriste mosquée Loqman à Molenbeek, en plein cœur de la commune bruxelloise, qui ne faisait pas partie du Conseil consultatif des mosquées de Molenbeek, qui en regroupe 16 sur les 24 que compte la commune ; et qu’il a été à un moment sous l’influence d’un certain Khalid Zerkani, « le plus grand recruteur de candidats au djihad de Belgique » comme le rappellera le 18 février 2016 dans son réquisitoire, le procureur fédéral Bernard Michel, lors du procès en appel de ce prédicateur de rue que l’on surnommait également « Papa noël », en raison de son énorme barbe noire6. Placé en détention provisoire depuis février 2014, l’homme aurait incité au moins une vingtaine de jeunes Molenbeekois à prendre le chemin du djihad au Levant, et son influence serait encore plus considérable que celle de « Sharia4Belgium » de Fouad Belkacem.
Le 4 janvier 2013, il prend la route de la Syrie en compagnie de six ou sept hommes, parmi lesquels Oussama Attar, selon les enquêteurs belges auditionnés au procès des attentats le 25 novembre 2021. Sur place il rejoint la « brigade des immigrants » (Katibat al-muhajireen), regroupant la plupart des combattants étrangers – à l’instar de Samy Amimour, Abdelhamid Abaaoud et Ismaïl Mostefai – venus rallier la cause de l’EI dans le proto État à cheval sur l’Irak et la Syrie. Pendant l’été de cette même année, sa famille le contacte depuis le Maroc pour le convaincre de se marier avec une fiancée qu’ils lui ont trouvée et qu’ils imaginent à son goût. Mais Chakib est au Cham depuis plusieurs mois déjà, s’y est marié, et y attend déjà un enfant7.
Le 28 mai 2014, dans le cadre de la procédure de la filière djihadiste dirigée par Khalid Zerkani, un mandat d’arrêt international est délivré à son encontre, il est fiché S en France, et, le 29 juillet 2015, condamné à cinq ans de prison par contumace pour avoir « participé aux activités d’un groupe terroriste entre le 30 novembre 2012 et le 15 février 2015 »8, autrement dit sa proximité avec la cellule de Verviers, stoppée in extremis le 15 janvier 2015 alors qu’elle s’apprêtait à prendre d’assaut à l’arme de guerre le commissariat de Molenbeek, sous la supervision depuis Athènes d’Abaaoud, lui-même condamné à 20 ans de prison dans le cadre de la même procédure.
On ne connaît pas grand-chose des circonstances précises de son retour dans son pays natal, mais on sait que c’est avec Bilal Hadfi qu’il emprunte, à l’instar de presque tous leurs complices, la route classique des migrants – Turquie, Grèce, Macédoine, Serbie, Hongrie – et que le 30 août un chauffeur vient les chercher à Kiskoros, dans le sud de la Hongrie, pour les ramener en Belgique dans une BMW louée par les soins de Salah Abdeslam, ce que l’intéressé lui-même reconnaîtra lors de son audition du 15 mars 2016 : « Vous m’entendez bien, là ? Oui, j’ai bien loué ce véhicule, et je l’ai utilisé. En revanche, je conteste être parti chercher ces deux personnes ». « Je conteste avoir ramené toutes ces personnes, mais j’ai effectivement ramené certaines personnes ».
Après leur sanglante chevauchée le soir du 13 novembre 2015, les deux hommes rallient la commune limitrophe de Montreuil (est de Paris) et abandonnent leur Seat Leon dans une rue proche de la station Croix de Chavaux, avec toutes leurs armes à l’intérieur – trois kalachnikovs, des balles, des chargeurs pleins et vides et trois énormes couteaux de boucher à manche en bois.
Chakib Akrouh périt cinq jours plus tard, le 18 novembre, dans la planque de la rue Corbillon de la commune de Saint-Denis, en compagnie d’Abaaoud et d’Hasna Aït Belkacem, la cousine alcoolo-daéchophile qui avait servi d’intermédiaire : il meurt en actionnant son gilet explosif, emportant par là-même ses deux acolytes dans l’au-delà. Comme son corps – notamment la tête – est méconnaissable9, et qu’il ne figurait pas sur le fichier ADN des services de renseignement belge et français, ce n’est que le 14 février 2016 qu’il est enfin identifié, un magistrat belge ayant pu le reconnaître sur une photo tirée des vidéos de surveillance de la station Croix de Chavaux, et cette reconnaissance ayant pu être croisée avec un test ADN effectué sur sa mère. Une flopée d’articles sur son compte, tous à peu près identiques dans leur forme et leur contenu paraissent en cette occasion, et c’est le lendemain que les journalistes de RTL info et France 3 sont violemment agressés devant le domicile des parents d’Akrouh alors qu’il tentaient de recueillir le témoignage d’un proche.
Il est finalement inhumé le 7 novembre 2016, dans une tombe sans nom du cimetière multiconfessionnel Bruxelles, la parcelle étant connue de ses seuls proches, pour éviter tout pèlerinage malsain de sympathisants des djihadistes10. Il rejoint ainsi ce qui reste de six autres de ses compagnons inhumés au même endroit : les frères Ibrahim et Khalid el Bakraoui, Brahim Abdeslam, Bilal Hadfi et Khalid Ben Larbi, tué lors de l’assaut contre la cellule de Verviers, le 15 janvier 2015.
Brahim Abdeslam
Né le 30 juillet 1984 à Bruxelles, 31 ans au moment des événements, Brahim Abdeslam est plus âgé Que Salah de cinq années. C’était comme l’a reconnu l’intéressé lors du procès « le frère qu’[il] préférait ». Ses deux parents sont des immigrés d’origine marocaine, le père retraité de la STIB, la mère femme au foyer. Ayant émigré en Belgique dans les années 1960, après être passé par Aubervilliers (France), le père avait la nationalité française qu’il a transmise à ses cinq enfants. Toute la famille a grandi dans un coquet logement social situé en face de l’hôtel de ville de Molenbeek. Après une scolarité difficile, Brahim parvient tout de même à décrocher un diplôme d’électricien. Pendant sa jeunesse chaotique, il a effectué deux peines de prison pour vol, de deux et six mois chacune. Il se marie une première fois en 2006 avec une Naima, qui les jours suivant les attentats brossera de son ex conjoint un portrait contrasté. « Malgré son diplôme d’électricien, il ne trouvait pas de travail. Pendant les deux années où nous avons été mariés, je ne l’ai pas vu travailler une seule journée. Ça le rendait paresseux. »/ « Ses activités favorites étaient de fumer des joints et de dormir. Il dormait souvent pendant la journée. La quantité de joints qu’il fumait était inquiétante »11. Le couple vivait alors chichement avec 1000 euros d’allocations chômage mensuelles. A l’époque il n’était pas du tout porté sur la religion. Il buvait volontiers des bières et de la vodka, n’allait jamais à la mosquée, et s’il faisait le ramadan, c’était uniquement en raison des pressions de sa famille. Quoique ces traits ne collent pas vraiment avec ceux du mari idéal, Naima en parle encore en bien, évoquant un homme décontracté, doté d’un bon caractère, et s’ils se sont séparés en 2008, ce n’est pas du tout à cause de ces problèmes, mais pour des raisons privées qu’elle ne veut pas dévoiler, et à ses dires ils se sont quittés bons amis. Le divorce du reste n’a été prononcé qu’en 2013, juste avant que Brahim ne se remarie, en 2014, au Maroc.
Peu d’éléments sont connus concernant ces cinq années. Toujours est-il que c’est en 2013 que Brahim, en association avec Rafik el Hassani, qui sera auditionné par visioconférence au procès des attentats le 16 décembre 2021, reprend le café les Béguines, où se rencontreront et se croiseront nombre de protagonistes du procès. Dans ce bar, qui arborait à l’extérieur une enseigne « Jupiler », on servait de l’alcool, et il y régnait une « bonne ambiance », pour reprendre l’expression du témoin Bilal E également auditionné le 16 décembre. Mais c’était également, ce que nul ne conteste – accusés comme témoins – une plate-forme de trafic de shit pilotée par Brahim Abdeslam, et un commerce florissant à en croire son associé puisqu’aux Béguines s’écoulait « jusqu’à deux plaques par jour »12. Le jeune Hamza Attou, 20 ans à l’époque, était l’employé de Brahim dans ce trafic.
Beaucoup plus grave, dans le cadre de la procédure des attentats, au bar les Béguines, au vu et au su de nombreux clients, on visionnait des vidéos de propagande de l’Etat islamique sur un ordinateur portable. Il ne s’agissait pas à proprement parler de « séances » de visionnage comme un enquêteur belge auditionné le 8 décembre a pu les qualifier, mais de visionnages informels, qui aux dires de l’associé de Brahim Abdeslam se déroulaient discrètement à la cave, plus souvent sur le comptoir-même du bar si l’on en croit d’autres. Rafik el Hazzani : « Brahim regardait des vidéos sur Youtube sur les trucs terroristes [sur ce qui se passait en Syrie] ». La vidéo que Brahim regardait le plus était celle où « Abaaoud traînait des cadavres ou quelque chose comme ça »/ « Moi j’étais occupé avec les clients, je faisais pas trop attention, Brahim était plus intéressé que les autres et comme c’était pas le chef mais que c’était son café, tout le monde écoutait. J’ai pas vu d’autres personnes faire des commentaires sur ces vidéos. » Bilal E : « Moi j’étais là pour boire un café, jouer aux cartes avec mes amis, je rentrais pas dans la vie privée des gens aux autres tables. Peut-être que j’ai dit ça, qu’un jour il y avait quatre personnes devant le PC, un autre jour deux personnes… Oui aujourd’hui je confirme que Mohammed Amri faisait pas partie du noyau dur qui regardait les vidéos. » El Hazzany précise quant à lui, ce qui est l’un des enjeux du procès, qu’Oulkadi, Attou, Salah Abdeslam et Dahmani regardaient aussi « de temps en temps » ces vidéos avec Brahim Abdeslam. Précisions importantes puisque la lourdeur des peines prononcées a en effet dépendu en partie de la complaisance des uns et des autres face à la radicalisation des frères Abdeslam, dont les vidéos de l’EI visionnées quasi publiquement aux Béguines étaient un indice flagrant. La daéchisation de Brahim, justement… Les différents témoignages concordent pour fixer le virage au début de l’année 2014. Cela correspond à son voyage avorté en Syrie à la fin du mois de janvier de cette année. Intercepté à la frontière syro-turque, il est renvoyé en Belgique au bout d’une semaine. A son retour, il est convoqué au commissariat où il peut se contenter d’expliquer : « Je suis croyant mais je fume du shit. » Et comme les policiers le questionnent sur ce qu’il pense du djihad, il répond : « C’est le bon comportement, se combattre contre soi-même avant de faire quelque chose de mal. » Son téléphone portable est toutefois saisi en cette occasion et il est inscrit dans le fichier de l’OCAD (l’équivalent des fiches S du Fichier des Personnes Recherchées français), recensant 800 individus potentiellement dangereux sur le territoire belge. Malheureusement, ce téléphone, les enquêteurs belges n’auront l’idée de l’exploiter qu’en 2017 : ils y trouveront alors des conversations Facebook déterminantes qui auraient pu révéler le caractère vaseux des explications de Brahim Abdeslam. Quand le 26 novembre 2021, l’enquêteur belge auditionné sur ce volet de l’affaire rapportera ce fait, il suscitera le scandale tant du côté des avocats des parties civiles que des avocats de la défense. Quand Olivia Ronen, l’avocate de Salah Abdeslam lui demandera : « Lorsqu’on saisit un téléphone c’est dans quel intérêt ? », il répondra piteusement : « Pour l’analyser ». « Et ça n’a pas été fait ! », constatera l’avocate. L’avocate de Mohamed Amri, Negar Haeri, quant à elle s’indignera : « On l’avait sous la main cet homme, on l’avait sur un plateau d’argent, mais on a pas su s’en servir. Ça fait froid dans le dos rétrospectivement ».
A cette époque, son entourage familial remarque qu’il devient plus religieux, mais sans aller jusqu’à le soupçonner de daéchisation. Pour son associé cogérant des Béguines, ce basculement est plus tardif. Si dès 2014 il visionnait des vidéos de l’EI et discutait avec Abaaoud par Skype, ce n’est que trois-quatre mois avant les attentats qu’il a commencé à voir les signes : « Il est devenu violent » et professait des appels au meurtre. Le client des Béguines Bilal E a pour sa part déclaré que c’est « six ou sept mois » avant les attentats, que Brahim s’est mis à changer et à moins boire. « Je sais pas grand chose, a-t-il aussi dit, j’étais un ami de Brahim Abdeslam, j’étais un client. J’ai vu qu’il prenait des distances quelques mois avant, il m’avait dit qu’il allait arrêter tout ça parce que c’était « péché », vendre de la drogue et servir de l’alcool. »
Les deux frères se sont apparemment alimentés l’un l’autre sans qu’il soit possible de distinguer lequel des deux était la principale force motrice. Pour Ali Oulkadi, le grand ami de Brahim, interrogé par la juge d’instruction belge Isabelle Panou, « C’est Salah Abdeslam qui a montré le chemin de la radicalisation à Brahim qui l’a suivi et ensuite dépassé. Brahim considère que ses propres parents iront en enfer. » Pour Hamza Attou, au procès des attentats, « quand Brahim disait quelque chose à Salah, Salah l’écoutait. C’est tout ce que je peux vous dire. »
Dans tous les cas, aux dires de son petit frère au procès, Brahim a grandement contribué à convaincre Salah de participer à la sanglante épopée, prévenant celui-ci au dernier moment, et lui demandant de louer deux des véhicules du commando et deux chambres dans un Appart’hôtel d’Alfortville. Le matin du 12 novembre, il prend la route avec Salah et Mohamed Abrini en direction de Charleroi, où ils embarquent les autres membres du commando dont Abdelhamid Abaaoud. Le soir du 13 novembre, il monte en compagnie d’Abaaoud et de Chakib Akrouh dans la Seat Leon. A 21h23, il connaît son baptême du feu en participant à la première fusillade des Terrasses, puis à 21h26 à celle de la rue de la Fontaine au Roy, puis à celle de la Belle Équipe. Ses deux compagnons le déposent ensuite non loin du bar le Comptoir Voltaire, au 112 boulevard Voltaire, à une centaine de mètres de la place de la Nation. Il y pénètre à 21h40. Certains clients sont interloqués par cet homme au regard bizarre dont le pied a buté sur la bâche protégeant la terrasse. Il fait quatre pas, se retourne et déclenche son gilet explosif. Heureusement, seule sa partie dorsale, qui donnait sur un mur, fonctionne, limitant les dégâts. Deux personnes sont toutefois sont grièvement blessés et 13 plus légèrement. Ce volet des attentats du 13 novembre a été raconté par le journaliste Hervé Deguine dans Comptoir Voltaire, 13 novembre, 21h41, récit du septième attentat.
L’histoire de Brahim Abdeslam a connu un épilogue énigmatique : il a en effet été enterré le 17 mars, au cimetière multiconfessionnel d’Evere, le jour-même de la reconstitution à huis clos du massacre du Bataclan par la commission d’enquête parlementaire, et la veille de l’arrestation de son petit frère Salah à Molenbeek. Parmi les hommes également arrêtés ce jour-là, Abid Aberkan, complice de sa cavale, qui faisait partie des personnes qui portaient le cercueil de Brahim.
1« Abdelhamid Abaaoud ? « C’était un petit con » », dhnet.be, 22/01/15
2« « Abaaoud, c’était les pieds nickelés », se souvient son ex-avocat », dhnet.be, 19/11/15
3Cet aspirant terroriste a été interrogé au moment des faits par le juge antiterroriste Marc Trévidic, qui a malheureusement été remplacé peu de temps après, étant arrivé au bout de son mandat inextensible de dix ans.
4Cf le livre d’entretien de son père Azdyne avec Georges Salines, ancien président de l’association des victimes 13onze15, Il nous reste les mots, Robert Laffont, 2020
5Cf la grande et poignante interviou qu’elle a accordé à francetvinfo.fr, intitulée « Ce terroriste, c’était aussi mon enfant »
6« Khalid Zerkani : l’inquiétant « Papa noël », le plus gros recruteur de djihadistes belges », Vincent Monnier, nouvelobs.com, 19/02/2016
7« Attentats de Paris : la bande de Molenbeek », Florence Aubenas, avec Soren Seelow et Élise Vincent, le Monde, 03/05/2016
8« Attentats de Paris : qui est Chakib Akrouh, le 3ème homme du commando des terrasses? », lepoint.fr avec AFP, 15/01/2016
9« Attentats de Paris : Chakib Akrouh, un kamikaze « discret, presque introverti » », Jérémie Pham-Lê, 15/01/2016, lexpress.fr
10« Attentats de Paris : Chakib Akrouh, le « lieutenant » d’Abaaoud inhumé à Bruxelles », D. R., le Parisien, 15/11/2016
11« The pot-smoking Paris suicide bomber: Ex-wife reveals ‘blood brother’ terrorist was a jobless layabout who spent his time taking drugs and sleeping… and never went to the mosque », Hannah Roberts Daily Mail, 17/11/15
12Le poids d’une plaque varie de 100 à 250 grammes, le gramme pouvant se négocier en fonction de la quantité de 5 à 10 euros.
« Abaaoud et Chakrouh resquillant détendus dans le métro sous les yeux d’un usager compréhensif »
Ne pensez-vous pas que vous vous êtes fait piéger par la légende (au double sens du mot) de RTLInfo, qui semble la source de la photo correspondante ?
Car à bien regarder cette photo, on ne voit pas en quoi l’homme au premier plan à gauche resquille (il semble même tenir dans la main droite une carte Navigo) ? Même chose pour l’homme placé derrière le portillon fermé, qui semble plutôt baisser la tête en regardant l’endroit où l’on introduit les billets ou pose la carte.
De toute façon, même s’ils ne tiennent pas une carte en main, rien ne prouve sur cette photo qu’ils franchissent le portillon en resquillant.
Cette capture de vidéo est peut-être plus parlante: https://www.rtl.be/actu/proces-des-attentats-de-paris-abaaoud-tout-sourire-sur-la-videosurveillance-du/2021-09-16/article/419255
J’aurais aimé visionner en entier cette vidéo qui a été montrée au procès des attentats le 16 septembre 2021 par un policier de la brigade criminelle (à tout le moins des images), c’est malheureusement impossible… On peut au moins remarquer que l’article confond Abaaoud et Akrouh, Akrouh qui de toute évidence resquille. Je ne discerne pas de pass navigo dans la main d’Abaaoud (venant de Syrie et de Belgique pourquoi s’en serait-il procuré un? :-)), tout au plus quelque chose du même format. Dans tous les cas, ce micro épisode n’est pas fondamental. Je vais tout de même ajouter à la légende « images montrées par un brigadier de la police judiciaire le 16 septembre 2021 au procès des attentats ». Je me rends compte également que j’avais écrit « Chakrouh » (sorte de fusion de Chakib et d’Akrouh) au lieu d' »Akrouh ». On n’est jamais assez attentif!