Mercredi 14 octobre 2025, j’étais invité par Haltérophilo, pour débattre de l’ouvrage fondamental mais tombé dans l’oubli de Gianfranco Sanguinetti (décédé une semaine avant le présent entretien), Du terrorisme et de l’État, publié en 1980. Dans cet opuscule visionnaire, écrit d’une plume alerte et indignée, Sanguinetti, compagnon de route de Guy Debord au sein de l’Internationale situationniste, s’attache à proposer une définition et une analyse aussi complète que possible du terrorisme, entendu comme un phénomène dont les manifestations les plus brutales et les plus spectaculaires sont presque toujours une production de l’État, entendu au sens le plus large : État apparent, État profond, services de renseignement locaux ou étrangers, groupes occultes infiltrés.
Pour dessiner les contours du terrorisme d’État, dont les méthodes sont remarquablement constantes tout au long des dernières décennies, Sanguinetti s’appuie sur son expérience italienne des années de plomb (1969-1987), qui vit l’État profond italien, sous influence de la CIA et du réseau Gladio dans le contexte de la Guerre froide, organiser régulièrement des attentats, enlèvements, assassinats, manipulations en tous genres, afin d’empêcher à tout prix la participation des communistes et des socialistes à l’exercice du pouvoir en Italie. Ces actes traumatisants étaient perpétrés par des agents de l’État profond pour être attribués ensuite aux « fantomatiques Brigades rouges », afin de discréditer aux yeux de l’opinion tous les partis situés à gauche de l’échiquier politique, au premier chef le puissant Parti Communiste Italien (P.C.I.).
L’auteur suit en particulier pour fils rouges l’attentat à la bombe de la Piazza Fontana à Milan, le 12 décembre 69, qui fit 16 morts 88 blessés, et l’enlèvement et l’assassinat le 9 mai 1978 d’Aldo Moro, homme d’État italien et dirigeant de Démocratie Chrétienne (classée à droite, soutenue par l’État profond). Il s’agit d’une lecture essentielle à une époque où la « démocratie » tend insensiblement à tomber le masque pour laisser poindre son vrai visage qui est autoritaire. Le climat général qui prévalait en Italie avant et pendant les « années de plomb » fait furieusement penser à celui dans lequel nous baignons dans toutes les « démocraties occidentales », certaines phrases donnant la saisissante impression d’avoir été écrites aujourd’hui.