Le rapport César ou le marécage de la propagande antisyrienne

Le 7 octobre a paru le livre de Garance Le Caisne Opération César, qui relate l’itinéraire d’un photographe militaire syrien, dont le travail aurait consisté jusqu’en août 2013 à prendre des photos de cadavres d’opposants supposés torturés par le « régime ». À cette époque, il décide de fuir le pays, emportant avec lui sur clé USB 55.000 photos des dépouilles de 11.000 Syriens. Ce témoignage de César (et le livre associé) a fait l’objet d’une couverture médiatique massive faisant porter l’accusation, comme d’habitude, sur Bachar el-Assad et son régime. Il n’est pas très difficile, toutefois, de montrer qu’il s’agit là d’une énième grossière opération de propagande.

Le rapport César sort au moment même où la Russie entame une campagne de frappes aériennes en Syrie contre les groupes terroristes, en coordination au sol avec l’armée syrienne, à la suite de la décision unilatérale du gouvernement français de mener des bombardements cosmétiques dans l’est de la Syrie : à point nommé, donc, pour rappeler à l’opinion publique que Bachar el-Assad et son régime demeurent infréquentables, en diabolisant par ricochet la Russie. Rappelons que ce ne serait pas la première fois que les médias feraient la promotion de dossiers sur d’épouvantables massacres perpétrés par des « rebelles » en les imputant au pouvoir .

Ce rapport sent fortement le réchauffé, voire le périmé. Il avait été produit une première fois par le Conseil national syrien (CNS) en janvier 2014 lors des pourparlers de Genève 2 dans le but de mettre en difficulté la délégation syrienne. Il est troublant d’observer médias et politiques des pays « amis de la Syrie » se saisir du même rapport un an et demi après dans des circonstances comparables.

Basé sur un unique témoignage, anonyme de surcroît, ce rapport est d’autant moins crédible qu’il existe trop peu d’éléments dans ces photos pouvant étayer précisément la responsabilité du régime syrien. Il peut tout aussi bien s’agir de victimes des « rebelles » ou même de victimes d’autres conflits, par exemple d’Irak ou du Yémen.

La couverture médiatique massive de ce rapport doit être comparée avec la censure totale d’autres rapports accablants pour les « rebelles ». On songe, par exemple, au rapport de Human Rights Watch d’octobre 2013 et à celui des avocats turcs de janvier 2014. La censure de ces rapports et des exactions qui y sont rapportées jette mécaniquement le doute sur le spectaculaire mais fragile et incertain rapport César.

D’ailleurs, les thuriféraires de ce rapport seraient susceptibles d’être juge et partie puisque ce sont tous, dès l’origine, des adversaires déclarés des autorités syriennes : le rapport a été propulsé par un cabinet d’avocats londoniens missionné par le Qatar. La personnalité centrale de cette opération est un membre du moribond Conseil national syrien, Imadeddine Rachid. Les révélations de César ont, en outre, fourni matière, le 15 septembre dernier, à un dépôt de plainte par le Quai d’Orsay, pour crimes contre l’humanité, par un certain Laurent Fabius qui, fin 2012, déclarait à propos des tueurs du front Al-Nosra (lié à Al-Qaïda) qu’ils « faisaient du bon boulot », ce qui ne semble pas avoir choqué Garance Le Caisne, qui s’est récemment félicitée : « Laurent Fabius a été très loin dans la critique de Bachar et c’est une bonne chose. »

Il s’agit donc là, selon toute apparence, d’une nouvelle tentative de diaboliser les autorités syriennes à un tournant crucial de la guerre. Particulièrement mal ficelée, elle témoigne de la fuite en avant des politiques et médias français qui, pour couvrir quatre années de mensonge organisé, n’ont d’autre choix que de s’enfoncer toujours davantage dans la falsification des faits.

François Belliot

Article initialement publié sur le site Boulevard Voltaire le 17 octobre 2015

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